conseil national - Benoit Hamon
Chers camarades
Tout à l’heure, un camarade, me prenant par le bras, me disait « je suis social démocrate et je pense que ton discours a trop déporté le parti sur la gauche, ce qui explique que tant de voix se soient déplacées des socialistes vers les verts.»
Je me demande parfois pourquoi on ne se respecte pas davantage, pourquoi on s’inflige ce type d’analyse grossière et pourquoi on ne regarde pas la réalité de notre échec collectif en face. Je me demande pourquoi, alors qu’on vient d’enregistrer un échec, après trois défaites successives à des scrutins nationaux, on en est encore à penser que, dans la bataille de l’interprétation, il y a encore une petite place à gratter, une petite victoire à emporter. Je me demande pourquoi on en est encore à essayer d’enfoncer un peu plus les uns pour se renforcer un peu plus soi-même. J’en prends ma part, je n’ai jamais prétendu être exemplaire mais je pense que ce qu’on attend de nous, à l’issue d’une campagne difficile, c’est que nous nous respections. Nous appartenons à une grande formation politique qui mérite, à défaut de s’aimer tous, le respect.
Je voudrais remercier tous ces militants qui, dans une campagne qui n’était pas facile parce qu’on ne nous aura rien épargné, ont mis leur orgueil et leurs états d’âme dans leur poche. Je remercie ces camarades qui ont décidé de faire campagne pour le PS, certains avec beaucoup d’engagement et d’envie et d’autres simplement par devoir parce qu’il fallait travailler pour le parti.
Je voudrais dire en quelques mots ce que je vois à l’issue de cette élection. Nous avons obtenu 2,1 millions de voix de moins qu’en 2004. L’extrême gauche en a recueilli 600 000 de plus et les Verts 1,5 million de plus, soit 2,1 millions au total. Il y a sans doute des voix qui se sont éparpillées ailleurs mais pour l’essentiel c’est au sein de la gauche que les voix se sont redistribuées. La question qui nous est donc posée aujourd’hui c’est de savoir comment il se fait que les classes populaires ne votent plus pour nous et pire, qu’elles aient pris l’habitude de ne plus venir voter. Si on veut préparer 2012, il va falloir d’abord savoir régler cette question là dans les trois ans qui viennent. C’est une question centrale.
Objectivement, la sociale-démocratie européenne - nous le disons tous avec nos mots – n’en finit pas d’être en crise. C’est même de ses rangs qu’est venu le principal argument qui nous a mis à genou, au début de la campagne. Certains pensaient d’un côté qu’il fallait faire campagne, parler de la crise économique et sociale et offrir des solutions et de l’autre que Barroso devait rester président de la commission. Les choses, hélas, ne changent pas beaucoup.
Pour cette législature, nous n’aurons, je crois, que 157 euro-députés socialistes. J’observe que les pays dans lesquels nous avons fait un bon score étaient ceux où le débat était le plus clivé. J’observe que là où les camarades ont gouverné en coalition, là où ils s’étaient considérablement recentrés, là où les sociaux démocrates ont mis plus de temps à tirer les leçons de la crise que les libéraux, ils ont connu des échecs comparables ou pires que celui que nous connaissons de notre côté. Quand Mme Lagarde demande que les déficits liés à la crise soient mis de côté, qui s’oppose à cela ? Deux socialistes européens. D’un côté Joaquin Amunia commissaire des affaires économiques et monétaires issu du PSOE et le ministre des finances allemand Peer Steinbrück du SPD. Ce sont des camarades, qui sur la question du pacte de stabilité et de croissance qui - alors que Mme Lagarde ne peut pas être suspecte d’une grande conversion sociale et régulatrice - défendent l’orthodoxie libérale. Cette crise de la sociale démocratie existe, ne soyons pas dans le déni. Ne soyons pas dans le déni parce que cette crise explique aussi pourquoi certaines thèses que nous avons défendues ensemble au sein du Parti socialiste européen - quelque soit notre appartenance à un courant ou à un autre - n’aient pas été entendues.
Nous avons deux tâches historiques : préparer demain la manière dont la gauche socialiste française va reconquérir le pouvoir et préparer la refondation de la sociale démocratie européenne.
C’est pour ça que je pense que la réponse à ce que nous venons de vivre ne peut pas être une affaire de design, de mode, de changement de dispositif. La réponse ne peut pas être de refaire ce que nous avons trop souvent fait : changer un peu le discours, changer tel camarade par un autre et espérer que tout ira mieux. Le problème que nous avons, cher-e-s camarades, c’est que nous ne faisons plus envie et même lorsque nous disons des choses intéressantes, les gens ne croient plus en nous. Sur les marchés, lors des porte-à-porte, en campagne, on nous demandait ce que nous ferions de si différent par rapport aux libéraux. Et quand on arrivait à faire des propositions, on nous demandait si nous étions capables de gouverner malgré les divisions internes. Nous l’avons tous vécu. Nous n’arrivons pas à incarner une alternative au modèle libéral, ni une alternance. Nous sommes tous responsables de cette incapacité et je ne m’exclus pas de ce constat.
Nous avons tout de même une base, 17 %, qui nous laisse quelques raisons de croire que nous sommes légitimes pour engager une nouvelle étape historique. Tous les partis de gauche ont entrepris une tâche qui est celle de leur propre dépassement : à l’extrême gauche avec la création du NPA, à notre gauche avec la création du Front de gauche, - même si ce parti n’obtient que 31000 voix de plus qu’en 2004, alors qu’à l’époque il y avait un gros vote utile favorable aux socialistes -, et du côté des Verts avec la création d’Europe écologie qui est un dépassement réussi de ce qui était jusqu’ici leur identité.Il nous revient, aujourd’hui, de nous inscrire aussi dans ce processus de dépassement. C’est ma conviction. Je ne crois pas que ce soit dans un énième rebond interne, autour d’un énième casting différent, que nous arriverons à proposer une alternance et une alternative crédibles au modèle libéral.
Alors comment réussir ce dépassement du PS ? Je pense que nous devons nous laisser submerger par un processus politique qui aboutira à la constitution d’une maison commune de la gauche, - pour reprendre les mots de Martine -, avec trois ingrédients.Premièrement, le projet. J’observe, d’ailleurs, que tout le monde se pose les mêmes questions à gauche : le rôle de l’état, les régulations possibles au niveau national et international, les protections, les salaires, la répartition capital – travail, la protection de l’environnement, etc. Nous nous posons toutes ces questions de la même manière. Bien que nous ne les hiérarchisions de la même façon, il devrait être facile de réunir autour d’une table les dirigeants politiques et militants des partis de gauche pour en discuter.Deuxièmement, l’échéance de 2012. Je suis personnellement favorable à un candidat unique de la gauche mais nous devons poser cette question sans préalable et sans imposer un ordre de discussion.Et enfin avec un seul objectif : nous mettre en situation de battre Nicolas Sarkozy, au nom et avec le soutien des classes populaires et moyennes.
Si nous parvenons à ce dépassement, sans préalable, sans volonté hégémonique, sans dicter nous-mêmes l’agenda, je pense que le PS trouvera là le moyen de se refonder et de redevenir le porteur d’une espérance politique. Je souhaite que nous fixions dès cette semaine cette ambition. Je souhaite que nous proposions publiquement à nos partenaires cette offre de travail commun.
Je vous remercie.
Chers camarades
Tout à l’heure, un camarade, me prenant par le bras, me disait « je suis social démocrate et je pense que ton discours a trop déporté le parti sur la gauche, ce qui explique que tant de voix se soient déplacées des socialistes vers les verts.»
Je me demande parfois pourquoi on ne se respecte pas davantage, pourquoi on s’inflige ce type d’analyse grossière et pourquoi on ne regarde pas la réalité de notre échec collectif en face. Je me demande pourquoi, alors qu’on vient d’enregistrer un échec, après trois défaites successives à des scrutins nationaux, on en est encore à penser que, dans la bataille de l’interprétation, il y a encore une petite place à gratter, une petite victoire à emporter. Je me demande pourquoi on en est encore à essayer d’enfoncer un peu plus les uns pour se renforcer un peu plus soi-même. J’en prends ma part, je n’ai jamais prétendu être exemplaire mais je pense que ce qu’on attend de nous, à l’issue d’une campagne difficile, c’est que nous nous respections. Nous appartenons à une grande formation politique qui mérite, à défaut de s’aimer tous, le respect.
Je voudrais remercier tous ces militants qui, dans une campagne qui n’était pas facile parce qu’on ne nous aura rien épargné, ont mis leur orgueil et leurs états d’âme dans leur poche. Je remercie ces camarades qui ont décidé de faire campagne pour le PS, certains avec beaucoup d’engagement et d’envie et d’autres simplement par devoir parce qu’il fallait travailler pour le parti.
Je voudrais dire en quelques mots ce que je vois à l’issue de cette élection. Nous avons obtenu 2,1 millions de voix de moins qu’en 2004. L’extrême gauche en a recueilli 600 000 de plus et les Verts 1,5 million de plus, soit 2,1 millions au total. Il y a sans doute des voix qui se sont éparpillées ailleurs mais pour l’essentiel c’est au sein de la gauche que les voix se sont redistribuées. La question qui nous est donc posée aujourd’hui c’est de savoir comment il se fait que les classes populaires ne votent plus pour nous et pire, qu’elles aient pris l’habitude de ne plus venir voter. Si on veut préparer 2012, il va falloir d’abord savoir régler cette question là dans les trois ans qui viennent. C’est une question centrale.
Objectivement, la sociale-démocratie européenne - nous le disons tous avec nos mots – n’en finit pas d’être en crise. C’est même de ses rangs qu’est venu le principal argument qui nous a mis à genou, au début de la campagne. Certains pensaient d’un côté qu’il fallait faire campagne, parler de la crise économique et sociale et offrir des solutions et de l’autre que Barroso devait rester président de la commission. Les choses, hélas, ne changent pas beaucoup.
Pour cette législature, nous n’aurons, je crois, que 157 euro-députés socialistes. J’observe que les pays dans lesquels nous avons fait un bon score étaient ceux où le débat était le plus clivé. J’observe que là où les camarades ont gouverné en coalition, là où ils s’étaient considérablement recentrés, là où les sociaux démocrates ont mis plus de temps à tirer les leçons de la crise que les libéraux, ils ont connu des échecs comparables ou pires que celui que nous connaissons de notre côté. Quand Mme Lagarde demande que les déficits liés à la crise soient mis de côté, qui s’oppose à cela ? Deux socialistes européens. D’un côté Joaquin Amunia commissaire des affaires économiques et monétaires issu du PSOE et le ministre des finances allemand Peer Steinbrück du SPD. Ce sont des camarades, qui sur la question du pacte de stabilité et de croissance qui - alors que Mme Lagarde ne peut pas être suspecte d’une grande conversion sociale et régulatrice - défendent l’orthodoxie libérale. Cette crise de la sociale démocratie existe, ne soyons pas dans le déni. Ne soyons pas dans le déni parce que cette crise explique aussi pourquoi certaines thèses que nous avons défendues ensemble au sein du Parti socialiste européen - quelque soit notre appartenance à un courant ou à un autre - n’aient pas été entendues.
Nous avons deux tâches historiques : préparer demain la manière dont la gauche socialiste française va reconquérir le pouvoir et préparer la refondation de la sociale démocratie européenne.
C’est pour ça que je pense que la réponse à ce que nous venons de vivre ne peut pas être une affaire de design, de mode, de changement de dispositif. La réponse ne peut pas être de refaire ce que nous avons trop souvent fait : changer un peu le discours, changer tel camarade par un autre et espérer que tout ira mieux. Le problème que nous avons, cher-e-s camarades, c’est que nous ne faisons plus envie et même lorsque nous disons des choses intéressantes, les gens ne croient plus en nous. Sur les marchés, lors des porte-à-porte, en campagne, on nous demandait ce que nous ferions de si différent par rapport aux libéraux. Et quand on arrivait à faire des propositions, on nous demandait si nous étions capables de gouverner malgré les divisions internes. Nous l’avons tous vécu. Nous n’arrivons pas à incarner une alternative au modèle libéral, ni une alternance. Nous sommes tous responsables de cette incapacité et je ne m’exclus pas de ce constat.
Nous avons tout de même une base, 17 %, qui nous laisse quelques raisons de croire que nous sommes légitimes pour engager une nouvelle étape historique. Tous les partis de gauche ont entrepris une tâche qui est celle de leur propre dépassement : à l’extrême gauche avec la création du NPA, à notre gauche avec la création du Front de gauche, - même si ce parti n’obtient que 31000 voix de plus qu’en 2004, alors qu’à l’époque il y avait un gros vote utile favorable aux socialistes -, et du côté des Verts avec la création d’Europe écologie qui est un dépassement réussi de ce qui était jusqu’ici leur identité.Il nous revient, aujourd’hui, de nous inscrire aussi dans ce processus de dépassement. C’est ma conviction. Je ne crois pas que ce soit dans un énième rebond interne, autour d’un énième casting différent, que nous arriverons à proposer une alternance et une alternative crédibles au modèle libéral.
Alors comment réussir ce dépassement du PS ? Je pense que nous devons nous laisser submerger par un processus politique qui aboutira à la constitution d’une maison commune de la gauche, - pour reprendre les mots de Martine -, avec trois ingrédients.Premièrement, le projet. J’observe, d’ailleurs, que tout le monde se pose les mêmes questions à gauche : le rôle de l’état, les régulations possibles au niveau national et international, les protections, les salaires, la répartition capital – travail, la protection de l’environnement, etc. Nous nous posons toutes ces questions de la même manière. Bien que nous ne les hiérarchisions de la même façon, il devrait être facile de réunir autour d’une table les dirigeants politiques et militants des partis de gauche pour en discuter.Deuxièmement, l’échéance de 2012. Je suis personnellement favorable à un candidat unique de la gauche mais nous devons poser cette question sans préalable et sans imposer un ordre de discussion.Et enfin avec un seul objectif : nous mettre en situation de battre Nicolas Sarkozy, au nom et avec le soutien des classes populaires et moyennes.
Si nous parvenons à ce dépassement, sans préalable, sans volonté hégémonique, sans dicter nous-mêmes l’agenda, je pense que le PS trouvera là le moyen de se refonder et de redevenir le porteur d’une espérance politique. Je souhaite que nous fixions dès cette semaine cette ambition. Je souhaite que nous proposions publiquement à nos partenaires cette offre de travail commun.
Je vous remercie.
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