Mensonges d’Etat
par Laurent Fabius, sur http://bloglaurentfabius.com/
le 28 juin 2008
Le discours du chef de l’Etat à Versailles lundi dernier comportait deux novations importantes.
L’une concerne le prochain grand emprunt censé préparer l’avenir et qui – aspect annexe ? – devrait porter le nom de son initiateur. Cet emprunt a un objectif, évidemment mensonger : dépenser plus sans payer plus.
La France, en grande partie à cause de la politique présidentielle, est lourdement endettée. « En quasi-faillite » précisait le Premier ministre dès avant la crise. Et pourtant le chef de l’Etat veut pouvoir continuer à dépenser sans régler la facture, il est vrai peu populaire, qui s’appelle impôts.
Pour financer quoi exactement ? Des priorités que, plus de deux ans près son élection, on a besoin de trois mois pour choisir ! Pour quel montant ? Vous verrez bien ! Selon quelles modalités ? Elles restent à définir ! Même si on devine que, pour sécuriser l’opération, l’emprunteur en chef n’hésitera pas sur les gâteries qui coûteront finalement plus cher au contribuable que les financements actuels. A moins que l’inflation – espoir secret de monsieur Déficits – ne vienne ronger la dette… et gruger les souscripteurs.
Financièrement, tout cela est plus qu’hasardeux. Politiquement, il paraît que c’est du grand art.
Le deuxième mensonge d’Etat concerne ce que ce pouvoir appelle « réforme territoriale » et qu’il serait plus clair d’appeler « manipulation électorale ».
L’opération a commencé avec le charcutage des circonscriptions législatives. Un projet secret de redécoupage, corrigé par une commission dont le détail du travail est également secret, le tout aboutissant à conférer un avantage de départ indu à l’UMP d’environ 20 à 50 sièges lors des prochaines législatives.
Mais le clou de l’affaire, c’est la « réforme territoriale » elle-même. Personne ne conteste la nécessité d’une réforme des collectivités locales. Nous la proposons : redistribution des compétences pour les rendre plus cohérentes et plus claires, refonte des financements afin de les rendre plus justes, solidaires et pérennes, démocratisation des regroupements communaux, etc.
Ce qui intéresse vraiment le chef de l’Etat, c’est autre chose : changer le mode de scrutin pour faire basculer vers l’UMP le maximum de régions et de départements. Pour cela, on invente le « conseiller territorial », nouvel élu chargé à la fois du département et de la région. Mais surtout élu désigné sur une base différente : en milieu rural ce sera le scrutin majoritaire, favorable à la droite ; en milieu urbain ce sera la proportionnelle qui assurera également son pourcentage à la droite. Conseiller territorial + changement de scrutin = collectivités locales à droite. Bingo !
Bien entendu, il faut habiller tout cela. Le thème choisi est : nous réduisons le nombre des élus et diminuons ainsi la dépense publique. Peu importe que, parmi les collectivités publiques (Etat, sécurité sociale, collectivités locales), ces dernières soient financièrement les plus vertueuses et les mieux gérées. Peu importe que l’économie éventuellement engendrée par la réduction du nombre des élus soit marginale. Peu importe qu’il soit absurde pour promouvoir les régions de les faire diriger par des conseillers cantonaux. Peu importe que ce montage s’accompagne d’une poisseuse démagogie anti-élus. L’essentiel est de mobiliser dans ce seul but : chasser la gauche de la gestion des territoires, assurer sur un tapis vert la victoire sans partage de M. Sarkozy, qui pourra compter pour y parvenir sur l’objectivité incontestable de son nouveau ministre de l’Intérieur.
Et si on s’avisait de comprendre tout cela, pire de vouloir expliquer ces mensonges d’Etat, l’antidote médiatique est disponible. Exemple du 20 heures de France 2 cette semaine : lundi, M. Sarkozy en majesté à Versailles ; mercredi, M. Fillon en plateau ; samedi, M. Bertrand en plateau. Mais je le reconnais : au moment où j’écris ce billet la semaine n’est pas terminée !
par Laurent Fabius, sur http://bloglaurentfabius.com/
le 28 juin 2008
Le discours du chef de l’Etat à Versailles lundi dernier comportait deux novations importantes.
L’une concerne le prochain grand emprunt censé préparer l’avenir et qui – aspect annexe ? – devrait porter le nom de son initiateur. Cet emprunt a un objectif, évidemment mensonger : dépenser plus sans payer plus.
La France, en grande partie à cause de la politique présidentielle, est lourdement endettée. « En quasi-faillite » précisait le Premier ministre dès avant la crise. Et pourtant le chef de l’Etat veut pouvoir continuer à dépenser sans régler la facture, il est vrai peu populaire, qui s’appelle impôts.
Pour financer quoi exactement ? Des priorités que, plus de deux ans près son élection, on a besoin de trois mois pour choisir ! Pour quel montant ? Vous verrez bien ! Selon quelles modalités ? Elles restent à définir ! Même si on devine que, pour sécuriser l’opération, l’emprunteur en chef n’hésitera pas sur les gâteries qui coûteront finalement plus cher au contribuable que les financements actuels. A moins que l’inflation – espoir secret de monsieur Déficits – ne vienne ronger la dette… et gruger les souscripteurs.
Financièrement, tout cela est plus qu’hasardeux. Politiquement, il paraît que c’est du grand art.
Le deuxième mensonge d’Etat concerne ce que ce pouvoir appelle « réforme territoriale » et qu’il serait plus clair d’appeler « manipulation électorale ».
L’opération a commencé avec le charcutage des circonscriptions législatives. Un projet secret de redécoupage, corrigé par une commission dont le détail du travail est également secret, le tout aboutissant à conférer un avantage de départ indu à l’UMP d’environ 20 à 50 sièges lors des prochaines législatives.
Mais le clou de l’affaire, c’est la « réforme territoriale » elle-même. Personne ne conteste la nécessité d’une réforme des collectivités locales. Nous la proposons : redistribution des compétences pour les rendre plus cohérentes et plus claires, refonte des financements afin de les rendre plus justes, solidaires et pérennes, démocratisation des regroupements communaux, etc.
Ce qui intéresse vraiment le chef de l’Etat, c’est autre chose : changer le mode de scrutin pour faire basculer vers l’UMP le maximum de régions et de départements. Pour cela, on invente le « conseiller territorial », nouvel élu chargé à la fois du département et de la région. Mais surtout élu désigné sur une base différente : en milieu rural ce sera le scrutin majoritaire, favorable à la droite ; en milieu urbain ce sera la proportionnelle qui assurera également son pourcentage à la droite. Conseiller territorial + changement de scrutin = collectivités locales à droite. Bingo !
Bien entendu, il faut habiller tout cela. Le thème choisi est : nous réduisons le nombre des élus et diminuons ainsi la dépense publique. Peu importe que, parmi les collectivités publiques (Etat, sécurité sociale, collectivités locales), ces dernières soient financièrement les plus vertueuses et les mieux gérées. Peu importe que l’économie éventuellement engendrée par la réduction du nombre des élus soit marginale. Peu importe qu’il soit absurde pour promouvoir les régions de les faire diriger par des conseillers cantonaux. Peu importe que ce montage s’accompagne d’une poisseuse démagogie anti-élus. L’essentiel est de mobiliser dans ce seul but : chasser la gauche de la gestion des territoires, assurer sur un tapis vert la victoire sans partage de M. Sarkozy, qui pourra compter pour y parvenir sur l’objectivité incontestable de son nouveau ministre de l’Intérieur.
Et si on s’avisait de comprendre tout cela, pire de vouloir expliquer ces mensonges d’Etat, l’antidote médiatique est disponible. Exemple du 20 heures de France 2 cette semaine : lundi, M. Sarkozy en majesté à Versailles ; mercredi, M. Fillon en plateau ; samedi, M. Bertrand en plateau. Mais je le reconnais : au moment où j’écris ce billet la semaine n’est pas terminée !
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