interview de Laurent Fabius dans le Monde
Vous avez défendu le non à la Constitution européenne au sein du PS. Que pensez-vous
du traité « simplifié » ?
Le nouveau traité dit « simplifié » est en réalité compliqué. Il serait plus juste de l’appeler
« traité corrigé ». Là où, en cas de « non » français, on nous menaçait d’un enlisement pendant au moins trente ans, il était donc possible d’apporter des modifications en quelques semaines ! Ce texte reprend plusieurs avancées institutionnelles comme la présidence stable de l’Union, mais il ne « constitutionnalise » plus des politiques européennes inadaptées et du même coup la lourde partie III, comme nous l’avions souhaité, disparaît. Le résultat reste cependant insuffisant, par exemple pour ce qui concerne les services publics et le volet social ou encore concernant l’accès aux coopérations renforcées entre Etats membres. Il n’y a rien de nouveau sur l’harmonisation fiscale et la Banque Centrale Européenne, alors que ce sont des questions essentielles. Les dérogations consenties aux Britanniques sont multiples. Surtout, il faut que
l’Europe, au-delà des aspects institutionnels, se décide enfin à financer les dépenses d’avenir, qu’elle adopte des politiques efficaces pour l’environnement, l’énergie, le commerce, et qu’elle porte une vraie ambition sociale : nous n’avons aucune assurance sur tous ces points, ni aucun engagement de rendez-vous. Pas plus que sur la relance du franco-allemand, décisif à mon sens pour la construction européenne.
Approuverez-vous ce traité quand il sera soumis aux parlementaires ?
Il est beaucoup trop tôt pour porter un jugement. Il faut attendre les résultats de la conférence intergouvernementale pour voir exactement quel texte en sortira, quel sera le vote de chaque pays et rester vigilants. En tous cas il est clair que le « non » a déjà été utile puisqu’il a permis de corriger certains aspects du traité initial.
Nicolas Sarkozy en tire partie. Comment jugez-vous son action ?
A son propos, je parlerai d’omni-présidence. Ce qui caractérise ce nouveau régime, c’est en effet que le même dirigeant est à la fois Président de la République, premier ministre de fait, et à vrai dire ministre de tout. Il s’occupe de tout, contrôle tout, et d’ailleurs le revendique.
Quel sera le statut réel du Parlement dans tout cela, mystère. Il faut qu’un meilleur équilibre des pouvoirs soit trouvé car c’est cela une démocratie vivante. L’autre trait du régime, c’est la domination de la finance, avec une répartition très inégalitaire.
Ces deux caractéristiques du nouveau régime, l’omnipouvoir et l’omnifinance, risquent de constituer à terme les points faibles du Chef de l’Etat. Sur le plan économique, les critiques portées contre la TVA anti sociale, contre le refus d’un coup de pouce au Smic, contre les avantages fiscaux aux privilégiés, contre le recul des moyens alloués aux services publics, commencent à être vécues, donc entendues. Plus largement, la logique économique est contestable. Je ne crois pas qu’on puisse augmenter durablement la croissance française,
comme nous en avons pourtant besoin, en ne soutenant vraiment ni la demande ni l’offre, tout en cumulant les déficits. Bref, il va y avoir des rendez-vous.
Pensez-vous comme une partie de vos amis au PS que l’élection présidentielle était
« imperdable » ?
Rien n’est jamais gagné à l’avance, mais je crois, oui, que la victoire était possible. M. Sarkozy a été élu en définitive sur un critère décisif : il a été jugé plus capable de présider le pays que Ségolène Royal. Au départ, nous avions de solides atouts. Quand notre candidate a été désignée par les militants, elle remportait jusqu’à 55% des suffrages dans les sondages et ceux-ci ont d’ailleurs pesé lourd dans sa désignation. Il est malheureux qu’à l’issue de la campagne, le score soit tombé à 47%. Il faut expliquer cet échec, non le nier. Car d’une part le bilan du gouvernement sortant était jugé médiocre et le candidat de droite en était le pivot, d’autre part le moment était favorable à la gauche si l’on en juge par les mobilisations sociales puissantes de la période et par les thèmes prioritaires dans la population – emploi, école, logement, santé, environnement -, enfin le précédent de 2002 garantissait un « vote utile » en faveur du PS. Finalement, seul ce dernier aspect a joué. Malgré l’activité déployée par notre candidate, malgré l’ardeur des militants, ces atouts n’ont pas été capitalisés. Au contraire est apparu un triple déficit : présidentialité, crédibilité, collégialité. Ce sont quelques unes des causes de la défaite. Comme l’ont souligné beaucoup d’analystes, une leçon à tirer c’est qu’on ne gagne pas une élection présidentielle en demandant à chacun ce qu’il ou elle veut, mais en proposant une
vision, un dessein capables dans le monde nouveau de faire progresser la France et les Français, tout en convainquant qu’on est soi-même capable de les conduire.
Mme Royal estime ne pas avoir été soutenue dans son propre parti…
Si vous faites allusion à la campagne présidentielle, notre candidate a plutôt choisi de tenir à l’écart les principaux responsables socialistes. Ce fut sa décision. Pour ma part, j’étais, comme c’était bien normal, totalement disponible et je lui ai dit. Quant au récent Conseil National du PS, elle avait d’autres occupations importantes : dont acte. Mais pour être tout à fait carré, je suis préoccupé par l’atmosphère délétère qui règne parmi les dirigeantes et les dirigeants socialistes. Les électrices et les électeurs, les militants en sont furieux et je les comprends. Au cours de la campagne présidentielle puis législative, personnellement j’ai cherché, tout en soutenant l’ensemble de nos candidats, à me tenir à l’écart des déclarations quotidiennes contradictoires des uns et des autres. Je continuerai. Je serai un sage actif.
Qu’est-ce qu’un sage actif ?
Le pays et la gauche ont besoin de responsables qui essaient de proposer des réponses aux grandes questions du monde, de l’Europe et de la France sans être broyés par les papillonnages du quotidien ou la passion du marketing. J’ai la chance d’être en forme, de posséder une assez forte expérience, de me trouver à l’écoute de la population comme l’a montré notamment la campagne législative. Je veux faire profiter de tout cela, en jouant collectif.
Quelles sont vos priorités pour la refondation ?
Contrairement à la pensée dominante, les valeurs du socialisme me paraissent tout à fait en phase avec les défis du monde de demain. Face à l’individualisme et à la précarité, il y a besoin d’égalité et de solidarité ; face aux communautarismes, il y a besoin de laïcité ; face aux dangers du repli identitaire, il y a besoin d’internationalisme ; face à la mondialisation, le développement durable et les services publics sont pertinents ; face à la concentration des pouvoirs, le pluralisme.
En revanche, parmi nos propositions proprement dites, plusieurs méritent d’être adaptées ou carrément changées. Par exemple, nos projets écologiques ne doivent pas seulement saupoudrer mais animer toutes nos actions, tant la planète est menacée. Le rôle régulateur ou acteur de l’Etat est précieux, mais il doit être désormais beaucoup plus spécifique et ciblé. De même, notre projet européen face à la mondialisation financière doit nous permettre de réellement progresser et protéger : il ne le fait pas assez. On parle de social-démocratie, celleci a apporté de grandes choses, mais je ne la crois pas applicable telle quelle dans un pays
comme le nôtre où les syndicats sont faibles et alors que cette doctrine n’a pas pris suffisamment en compte les défis de la mondialisation.
S’agissant du parti socialiste, son objectif doit être de rassembler sur son nom au moins 35% de l’électorat. Nous avons pour cela besoin d’une organisation beaucoup plus diverse par ses âges, ses origines, ses expériences. Bref, je suis pour un PS ouvert, ouvert sur son bilan, ouvert sur la défense de ses valeurs, ouvert sur la rénovation de ses propositions, sur les autres et sur le monde qui vient. Un parti qui soit à la fois socialiste et progressiste.
Avec ou sans le MoDem ?
J’avais soulevé la question dès le moment des primaires socialistes, on m’avait répondu qu’il s’agissait d’un procès d’intention. Mes interrogations n’étaient pas hérétiques mais politiques. Aussi ai-je observé avec surprise qu’entre les deux tours de la présidentielle on annonce tout à trac qu’en cas d’élection, le premier ministre serait vraisemblablement centriste. Sur le fond, je m’inscris dans le cadre du rassemblement de la gauche et des Verts, ce qui n’exclut nullement de nous adresser à l’ensemble des électeurs, mais à partir d’une plate-forme précise. Dès lors que nous sommes suffisamment forts par nous-mêmes et précis quant à notre
projet, il n’y a pas de risque de confusion ou de dérive. Mais cela doit être exposé clairement et à l’avance aux électeurs.
Vous avez été le parrain de la proposition du smic à 1500 euros critiquée par Mme Royal. Le mot d’ordre « travailler plus pour gagner plus » de Nicolas Sarkozy n’a-t-il pas été plus efficace ?
Ce dernier slogan ne correspond à aucune réalité concrète, mais, faute d’avoir été démonté par la gauche, il a joué un rôle sensible dans l’élection. Si j’avais eu fortement la parole, peut-être aurais-je pu, avec d’autres, contribuer à sa démystification. ..... Mais allons plus au fond : ce genre de déclarations sur le Smic pose deux problèmes. D’abord faut-il ou non donner un coup de pouce aux bas salaires et améliorer les salaires par la négociation ? La droite répond non, la gauche répond oui pour des raisons à la fois de justice sociale et de
soutien à l’activité économique. Quant à moi, je continue et continuerai de considérer que lorsqu’on travaille et qu’on doit vivre avec en tout et pour tout 1000 euros net par mois, cela ne peut pas laisser un pouvoir de gauche sans réaction. Se pose une deuxième question, celle de la sincérité en politique. On peut être partisan ou adversaire de l’augmentation du Smic, mais si on affirme lors d’une élection être favorable à son augmentation et qu’on déclare ensuite qu’on n’y croyait pas, cela devient un problème de nature quasi éthique et suscite un doute sur l’ensemble des propositions qu’on défend..
Mais vos partenaires traditionnels sont très affaiblis…
Au premier tour de l’élection présidentielle, notre score a été positif, notamment parce que les voix des candidats de gauche non socialistes ont été « siphonnées » en faveur de notre candidate, en raison à la fois de la logique présidentielle et du cuisant souvenir de 2002. Dans le même temps, certains électeurs de gauche votaient pour François Bayrou. Nous devons rassembler les uns et les autres. La politique, c’est toujours une dynamique. Si votre projet et si vous-même êtes mobilisateur, vous entraînez au-delà de votre camp.
Nicolas Sarkozy a bâti son succès certes à partir de son talent personnel mais aussi sur la base d’un parti politique renforcé et d’une idéologie affirmée. La gauche n’a pas à le copier mais il ne lui est non plus interdit d’y réfléchir !
Vous prôniez une opposition frontale. Aujourd’hui, Jean-Marc Ayrault parle lui d’opposition intelligible avec un « shadow cabinet ». Cela fait-il une différence pour vous ?
« Frontale » n’a jamais signifié « irresponsable ». Sans cette opposition ferme, le PS n’aurait pas remporté les victoires collectives de 2004 aux élections régionales et aux européennes. Sans elle, la TVA Fillon n’aurait jamais été dénoncée aussi puissamment et, aujourd’hui, le groupe socialiste compterait moins de députés. Bien sûr, il faut assortir nos critiques de propositions alternatives, c’est une évidence, et il faut aussi favoriser l’éclosion de nouveaux talents. Par exemple en faisant tourner les responsabilités. Quant au « shadow cabinet » dont j’ai appris l’adoption, je l’observerai avec intérêt. La tradition n’est-elle pas que son Président soit le Premier ministre alternatif ? Est-ce cela qu’on a voulu suggérer ? Ce serait, pour le coup, une novation dont il ne serait pas inutile de discuter avant d’en décider.
Propos recueillis par Isabelle Mandraud
du traité « simplifié » ?
Le nouveau traité dit « simplifié » est en réalité compliqué. Il serait plus juste de l’appeler
« traité corrigé ». Là où, en cas de « non » français, on nous menaçait d’un enlisement pendant au moins trente ans, il était donc possible d’apporter des modifications en quelques semaines ! Ce texte reprend plusieurs avancées institutionnelles comme la présidence stable de l’Union, mais il ne « constitutionnalise » plus des politiques européennes inadaptées et du même coup la lourde partie III, comme nous l’avions souhaité, disparaît. Le résultat reste cependant insuffisant, par exemple pour ce qui concerne les services publics et le volet social ou encore concernant l’accès aux coopérations renforcées entre Etats membres. Il n’y a rien de nouveau sur l’harmonisation fiscale et la Banque Centrale Européenne, alors que ce sont des questions essentielles. Les dérogations consenties aux Britanniques sont multiples. Surtout, il faut que
l’Europe, au-delà des aspects institutionnels, se décide enfin à financer les dépenses d’avenir, qu’elle adopte des politiques efficaces pour l’environnement, l’énergie, le commerce, et qu’elle porte une vraie ambition sociale : nous n’avons aucune assurance sur tous ces points, ni aucun engagement de rendez-vous. Pas plus que sur la relance du franco-allemand, décisif à mon sens pour la construction européenne.
Approuverez-vous ce traité quand il sera soumis aux parlementaires ?
Il est beaucoup trop tôt pour porter un jugement. Il faut attendre les résultats de la conférence intergouvernementale pour voir exactement quel texte en sortira, quel sera le vote de chaque pays et rester vigilants. En tous cas il est clair que le « non » a déjà été utile puisqu’il a permis de corriger certains aspects du traité initial.
Nicolas Sarkozy en tire partie. Comment jugez-vous son action ?
A son propos, je parlerai d’omni-présidence. Ce qui caractérise ce nouveau régime, c’est en effet que le même dirigeant est à la fois Président de la République, premier ministre de fait, et à vrai dire ministre de tout. Il s’occupe de tout, contrôle tout, et d’ailleurs le revendique.
Quel sera le statut réel du Parlement dans tout cela, mystère. Il faut qu’un meilleur équilibre des pouvoirs soit trouvé car c’est cela une démocratie vivante. L’autre trait du régime, c’est la domination de la finance, avec une répartition très inégalitaire.
Ces deux caractéristiques du nouveau régime, l’omnipouvoir et l’omnifinance, risquent de constituer à terme les points faibles du Chef de l’Etat. Sur le plan économique, les critiques portées contre la TVA anti sociale, contre le refus d’un coup de pouce au Smic, contre les avantages fiscaux aux privilégiés, contre le recul des moyens alloués aux services publics, commencent à être vécues, donc entendues. Plus largement, la logique économique est contestable. Je ne crois pas qu’on puisse augmenter durablement la croissance française,
comme nous en avons pourtant besoin, en ne soutenant vraiment ni la demande ni l’offre, tout en cumulant les déficits. Bref, il va y avoir des rendez-vous.
Pensez-vous comme une partie de vos amis au PS que l’élection présidentielle était
« imperdable » ?
Rien n’est jamais gagné à l’avance, mais je crois, oui, que la victoire était possible. M. Sarkozy a été élu en définitive sur un critère décisif : il a été jugé plus capable de présider le pays que Ségolène Royal. Au départ, nous avions de solides atouts. Quand notre candidate a été désignée par les militants, elle remportait jusqu’à 55% des suffrages dans les sondages et ceux-ci ont d’ailleurs pesé lourd dans sa désignation. Il est malheureux qu’à l’issue de la campagne, le score soit tombé à 47%. Il faut expliquer cet échec, non le nier. Car d’une part le bilan du gouvernement sortant était jugé médiocre et le candidat de droite en était le pivot, d’autre part le moment était favorable à la gauche si l’on en juge par les mobilisations sociales puissantes de la période et par les thèmes prioritaires dans la population – emploi, école, logement, santé, environnement -, enfin le précédent de 2002 garantissait un « vote utile » en faveur du PS. Finalement, seul ce dernier aspect a joué. Malgré l’activité déployée par notre candidate, malgré l’ardeur des militants, ces atouts n’ont pas été capitalisés. Au contraire est apparu un triple déficit : présidentialité, crédibilité, collégialité. Ce sont quelques unes des causes de la défaite. Comme l’ont souligné beaucoup d’analystes, une leçon à tirer c’est qu’on ne gagne pas une élection présidentielle en demandant à chacun ce qu’il ou elle veut, mais en proposant une
vision, un dessein capables dans le monde nouveau de faire progresser la France et les Français, tout en convainquant qu’on est soi-même capable de les conduire.
Mme Royal estime ne pas avoir été soutenue dans son propre parti…
Si vous faites allusion à la campagne présidentielle, notre candidate a plutôt choisi de tenir à l’écart les principaux responsables socialistes. Ce fut sa décision. Pour ma part, j’étais, comme c’était bien normal, totalement disponible et je lui ai dit. Quant au récent Conseil National du PS, elle avait d’autres occupations importantes : dont acte. Mais pour être tout à fait carré, je suis préoccupé par l’atmosphère délétère qui règne parmi les dirigeantes et les dirigeants socialistes. Les électrices et les électeurs, les militants en sont furieux et je les comprends. Au cours de la campagne présidentielle puis législative, personnellement j’ai cherché, tout en soutenant l’ensemble de nos candidats, à me tenir à l’écart des déclarations quotidiennes contradictoires des uns et des autres. Je continuerai. Je serai un sage actif.
Qu’est-ce qu’un sage actif ?
Le pays et la gauche ont besoin de responsables qui essaient de proposer des réponses aux grandes questions du monde, de l’Europe et de la France sans être broyés par les papillonnages du quotidien ou la passion du marketing. J’ai la chance d’être en forme, de posséder une assez forte expérience, de me trouver à l’écoute de la population comme l’a montré notamment la campagne législative. Je veux faire profiter de tout cela, en jouant collectif.
Quelles sont vos priorités pour la refondation ?
Contrairement à la pensée dominante, les valeurs du socialisme me paraissent tout à fait en phase avec les défis du monde de demain. Face à l’individualisme et à la précarité, il y a besoin d’égalité et de solidarité ; face aux communautarismes, il y a besoin de laïcité ; face aux dangers du repli identitaire, il y a besoin d’internationalisme ; face à la mondialisation, le développement durable et les services publics sont pertinents ; face à la concentration des pouvoirs, le pluralisme.
En revanche, parmi nos propositions proprement dites, plusieurs méritent d’être adaptées ou carrément changées. Par exemple, nos projets écologiques ne doivent pas seulement saupoudrer mais animer toutes nos actions, tant la planète est menacée. Le rôle régulateur ou acteur de l’Etat est précieux, mais il doit être désormais beaucoup plus spécifique et ciblé. De même, notre projet européen face à la mondialisation financière doit nous permettre de réellement progresser et protéger : il ne le fait pas assez. On parle de social-démocratie, celleci a apporté de grandes choses, mais je ne la crois pas applicable telle quelle dans un pays
comme le nôtre où les syndicats sont faibles et alors que cette doctrine n’a pas pris suffisamment en compte les défis de la mondialisation.
S’agissant du parti socialiste, son objectif doit être de rassembler sur son nom au moins 35% de l’électorat. Nous avons pour cela besoin d’une organisation beaucoup plus diverse par ses âges, ses origines, ses expériences. Bref, je suis pour un PS ouvert, ouvert sur son bilan, ouvert sur la défense de ses valeurs, ouvert sur la rénovation de ses propositions, sur les autres et sur le monde qui vient. Un parti qui soit à la fois socialiste et progressiste.
Avec ou sans le MoDem ?
J’avais soulevé la question dès le moment des primaires socialistes, on m’avait répondu qu’il s’agissait d’un procès d’intention. Mes interrogations n’étaient pas hérétiques mais politiques. Aussi ai-je observé avec surprise qu’entre les deux tours de la présidentielle on annonce tout à trac qu’en cas d’élection, le premier ministre serait vraisemblablement centriste. Sur le fond, je m’inscris dans le cadre du rassemblement de la gauche et des Verts, ce qui n’exclut nullement de nous adresser à l’ensemble des électeurs, mais à partir d’une plate-forme précise. Dès lors que nous sommes suffisamment forts par nous-mêmes et précis quant à notre
projet, il n’y a pas de risque de confusion ou de dérive. Mais cela doit être exposé clairement et à l’avance aux électeurs.
Vous avez été le parrain de la proposition du smic à 1500 euros critiquée par Mme Royal. Le mot d’ordre « travailler plus pour gagner plus » de Nicolas Sarkozy n’a-t-il pas été plus efficace ?
Ce dernier slogan ne correspond à aucune réalité concrète, mais, faute d’avoir été démonté par la gauche, il a joué un rôle sensible dans l’élection. Si j’avais eu fortement la parole, peut-être aurais-je pu, avec d’autres, contribuer à sa démystification. ..... Mais allons plus au fond : ce genre de déclarations sur le Smic pose deux problèmes. D’abord faut-il ou non donner un coup de pouce aux bas salaires et améliorer les salaires par la négociation ? La droite répond non, la gauche répond oui pour des raisons à la fois de justice sociale et de
soutien à l’activité économique. Quant à moi, je continue et continuerai de considérer que lorsqu’on travaille et qu’on doit vivre avec en tout et pour tout 1000 euros net par mois, cela ne peut pas laisser un pouvoir de gauche sans réaction. Se pose une deuxième question, celle de la sincérité en politique. On peut être partisan ou adversaire de l’augmentation du Smic, mais si on affirme lors d’une élection être favorable à son augmentation et qu’on déclare ensuite qu’on n’y croyait pas, cela devient un problème de nature quasi éthique et suscite un doute sur l’ensemble des propositions qu’on défend..
Mais vos partenaires traditionnels sont très affaiblis…
Au premier tour de l’élection présidentielle, notre score a été positif, notamment parce que les voix des candidats de gauche non socialistes ont été « siphonnées » en faveur de notre candidate, en raison à la fois de la logique présidentielle et du cuisant souvenir de 2002. Dans le même temps, certains électeurs de gauche votaient pour François Bayrou. Nous devons rassembler les uns et les autres. La politique, c’est toujours une dynamique. Si votre projet et si vous-même êtes mobilisateur, vous entraînez au-delà de votre camp.
Nicolas Sarkozy a bâti son succès certes à partir de son talent personnel mais aussi sur la base d’un parti politique renforcé et d’une idéologie affirmée. La gauche n’a pas à le copier mais il ne lui est non plus interdit d’y réfléchir !
Vous prôniez une opposition frontale. Aujourd’hui, Jean-Marc Ayrault parle lui d’opposition intelligible avec un « shadow cabinet ». Cela fait-il une différence pour vous ?
« Frontale » n’a jamais signifié « irresponsable ». Sans cette opposition ferme, le PS n’aurait pas remporté les victoires collectives de 2004 aux élections régionales et aux européennes. Sans elle, la TVA Fillon n’aurait jamais été dénoncée aussi puissamment et, aujourd’hui, le groupe socialiste compterait moins de députés. Bien sûr, il faut assortir nos critiques de propositions alternatives, c’est une évidence, et il faut aussi favoriser l’éclosion de nouveaux talents. Par exemple en faisant tourner les responsabilités. Quant au « shadow cabinet » dont j’ai appris l’adoption, je l’observerai avec intérêt. La tradition n’est-elle pas que son Président soit le Premier ministre alternatif ? Est-ce cela qu’on a voulu suggérer ? Ce serait, pour le coup, une novation dont il ne serait pas inutile de discuter avant d’en décider.
Propos recueillis par Isabelle Mandraud
8 commentaires:
Tout ce que dit L. Fabius était malheureusement déjà prévisibles avant le premier tour des présidentielles. Il n'y a que les militants socialiste (pas les socialistes) a n'avoir rien compris.
oui dà, mais est ce une consolation. Et comment éviter la dérive continue
Je suis militant socialiste .
Je comprends les aspirations des gauchistes , je comprends les besoins des travailleurs et des chomeurs .
Je donne beaucoup de mon temps pour aider les émigrés régularisés à trouver un logement et un emploi stable .
je connais bien ces problèmes .
Mais , peut être parce que j'ai fait des études d'économie (je suis un ancien élève de Siences Po ) , je sais qu'il faut tenir compte de la conjoncture mondiale , que cette conjoncture , aucun gouvernement ne peut la maitriser .
Tout cela , Fabius le sait mieux que quiconque , c'est pour cela que je n'ai pas confiance en sa sincérité .
D'ailleurs , depuis combien de temps est il vraiment de la gauche de la gauche ?
Je crains que Fabuis pense beaucoup trop à sa gloire personnelle .
Pour Jean
Parce que les autres sont plus sincères ????J'aurais préféré voir Fabius plutôt que Sarko vous aussi je suppose?
L' important c'est ce qu'on dit...après on voit...Quand on ne propose rien on n'est pas élu..n'est ce pas!!
Sarko a été élu et il ne fera pratiquement rien de ce qu'il a proposé. Avec des raisonnement comme le votre on a fait élire Sarko!!
Je suis socialiste de coeur et je connais aussi un peu l'économie (dont on sait qu'ils (les économistes)ont été inventés pour que les météorologues ne se retrouvent pas seuls).
Cordialement
Bob
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
Pour Brige et Jean
En effet, je pense qu'il en a encore une (d'ambition). Mais il n'est pas le seul...notre perdante en a certainement encore plus et avec moins de scrupule encore(voir: je vous l'ai dit mais je ne pensais pas). C'est quand même grace à Fabius que le chapitre 3 de la constitution européenne a dégagé (justement le ch. le plus libéral et on n'en a pas beaucoup parlé parce que il aurait fallu rendre grace à Fabius)et que les socialistes ont gagné des députés...
Faut parfois savoir être un peu pragmatique!
La réponse de Brige vient de disparaitre!
parce qu'il y avait une faute d'orthographe. Mais oute la carrure, un comportement nettement moins carricatural que d'autres sur la dernière période, je pense que son ambition à ce stade se borne à aller contre la détestation pour devenir audible et peser
j'ai tort ? et bien sur que comme tout homme politique il n'est pas dénué d'ambition
pardon je me bagarre avec un fièvre ce qui me rend encore moins claire
Bon rétablissement!
Quant à moi, je vais disparaitre environ 3 semaines ..un petit séjour dans les alpes..balades, visites et baignades...
A+
Enregistrer un commentaire
Abonnement Publier les commentaires [Atom]
<< Accueil