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Lieu : Avignon, Vaucluse, France

dimanche 30 mars 2008


ministère de quelle culture ?
sur http://www.passeurs.org/valde/ débords
Or donc, en l'après-midi du 18 février, nous étions convoqués, mon directeur –et néanmoins ami– et moi, à la Direction régionale des Affaires culturelles d'Ile-de-France.
Le Comité d'accueil était composé de trois personnes, que nous désignerons pas leur typologie: l'executive woman sèchement technocratique, l'exécutante administrative silencieuse, et l'alibi mauvaise conscience.
A peine la première avait-elle ouvert sa bouche pour sussurer "J'ai de mauvaises nouvelles à vous annoncer» que mon directeur honora le Mouvement des ours dont il est fondateur.
La diatribe fut belle, aux accents malrussiens, oserais-je dire. Avoir quelque chose à perdre ne nous ayant jamais empêché de l'ouvrir, n'avoir plus rien à perdre est une garantie d'éloquence.
Et il le fallait, ce coup de gueule, face à l'impuissance pseudo innocente de fonctionnaires de la culture qui assistent, impuissamment et silencieusement, à un massacre.
Oh, bien sûr, ce n'est pas le Tibet.
Ni même la xénophobie d'Etat qui sévit contre les sans-papiers.
Juste la destruction minutieuse, lente, par tranches, de toute l'action culturelles et artistique sur les terrains où elle est le plus nécessaire (les institutions culturelles sont préservées... pour le moment. Elles savent pertinemment que leur tour viendra).
Il s'agit de miner toute expression artistique qui n'offre pas un immédiat "retour sur investissement " en termes d'image, de glamour, de remplissage des salles ou de pacification sociale gentillette.
Pourquoi vous raconter cela? Surtout pas pour céder à la victimisation. Encore moins au corporatisme qui nous ferait défendre inconditionnellement et sans exigence "la profession" culturelle et artistique dans son ensemble.
Le mal est plus profond.
Nous recevons chaque semaine des dizaines de mails nous informant de la fermeture prochaine de lieux de culture, de la faillite programmées de compagnies, du soutien retiré à des festivals. (Même si Mme Albanel bafouille, face au constat implacable et justifié de Jean-Marc Ayrault, «qu'il n'y a absolument pas de baisse des moyens pour la culture...»)(1) Trés diverses, ces équipes ou ces lieux menacées partagent pourtant un esprit commun.Elles ont, presque toutes, la particularité de travailler sur ce qui, dans une société, divise, ce qui blesse, ce qu'on veut occulter. La pauvreté, les marges, la folie, l'enfermement, la relégation... Dans les campagnes, les banlieues, en taule, en hôpital psy...
Elles s'inscrivent comme des exceptions au tableau parfois juste, mais à bien trop gros traits, que le philosophe Alain Brossat dresse d'une société du "tout culturel" unificateur et pacificateur. (2)
Elles vont voir là où ça fait mal, là où ça blesse, ça où ça combat. Là où le néolibéralisme atomise, réduit les têtes et s'efforce à tout prix de lisser, d'aseptiser, voire d'empêcher, les relations politiques entre les êtres.
«Mais non, mais non», nous a asséné M. Mauvaise conscience avec un regard d'épagneul. Si nous vous supprimons votre subvention, c'est que nous devons faire des choix, et que nous continuons d'aider ces équipes sur le terrain...»
(Lesquelles? Nous ne recevons que de mauvaises nouvelles...) On gardera peut-être quelques actions pompières destinées à teindre le feu dans les banlieues...
Comme on gardera de l'art «subversif» alibi dans quelques institutions prestigieuses, en prenant garde qu'il ne puisse trouver le contexte où sa force éventuelle pourrait s'épanouir. (3)
Le rôle de notre revue, Cassandre, c'est de gratter précisément là où ça fait mal. De ne pas tomber non plus dans un consensus politiquement correct encensant systématiquement l'action artistique militante. De l'interroger, de analyser, de valoriser ses succès et de parfois questionner ses insuffisances. Et surtout , de créer le lien entre tous ces combattants de l'ombre qui veulent continuer à croire que le partage du sensible et de l'intelligence est le seul rempart à bêtise triomphante, à l'utilitarisme dominant et au Brave New World annoncé.
Dans la situation politique que nous vivons, c'est suffisant pour lâcher les chiens de garde, les executive et les exécutants, aussi dociles que dans les années 40. Nous aurons un moins eu le plaisir de les voir se déconfire dans un silence honteux.Cela ne nous empêchera pas de continuer, ni de gueuler plus fort qu'eux.
Nous connaissons assez bien le terrain pour savoir que ce ne sera pas dans le désert.

Post-scriptum qui a tout à voir: D'après le site Mediapart, le gouvernement s'apprête à débloquer des fonds pour développer les écoles privées en banlieue, bien que "les caisses soient vides". Mais le curé est, parait-il , un meilleur garant moral que l'instituteur, et l'école privée catholique, moins incitatrice à la réflexion, voire la révolte, que l'action artistique...

1. C'était le 16 mars, lors de la soirée électorale sur France 2
2.Alain Brossat, le grand dégoût culturel.
3. Je pense par exemple aux pièces d'Edward Bond, si le seul public qu'elles peuvent rencontrer est celui du Théâtre de la Colline, ou à un plasticien comme Thomas Hirschhorn, dont l'art prend toute sa force en sorant des institutions, comme dans le fabuleux musée précaire Albinet à Aubervilliers.

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1 commentaires:

Blogger Jean a dit...

Je partage totalement votre point de vue .
Déjà , la gauche n'avait pas fait de gros efforts .
Jack Lang a la réputation de bon ministre de la culture ...Ce que je retiens de lui c'est :
-la " Fête de la musique " ?
Fête ou prétexte à beaucoup de bruit ?

-Création du festival du film américain à Deauville .
A-t-on besoin d'encourager encore plus le " cinéma " américain en France ?

Mais enfin , même si , à mon avis , Lang fut un piètre ministre de la culture , il ne démolit pas ce qui existait .

Par contre , aujourd'hui !!!
La droite a besoin d'un peuple barbare , primitif .
Il ne faut surtout pas le réveiller .
Par contre , il faut endormir ceux qui ont les yeux ouverts .

Ceci est très amplifié du fait que notre chef suprême est pratiquement illétré !
La culture ?
Ce n'est pas ce qu'on voit on salon de l'agriculture ?

1 avril 2008 à 11:43  

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