Ma photo
Nom :
Lieu : Avignon, Vaucluse, France

samedi 22 mars 2008

un 68 que je reconnais, enfin
Lignes de fuite, à propos du salon du livre et de l’écriture numérique m’avait envoyé vers Médiapart où j’ai trouvé deux textes à télécharger à propos de 68 et je me suis retrouvée dans l’un « insistance 68 » de Chritian Laval qui avait 15 ans (ce qui le mettait un peu à une frontière pendant que moi avec mes presque 26 ans, mon statut « travailleuse » mais au cœur du quartier latin et ma totale ingénuité en politique tenant à mon milieu d’origine et à l’époque je me situais dedans mais près de l’autre frontière) – j’en prélève des phrases mais l’ensemble est à lire et n’est pas si long. http://www.mediapart.fr/files/Insistance68-Laval.pdf
Seul désaccord, je ne suis pas sure que notre défaite n’est pas plus totale.

....Notre génération n’est pas faite de ces quelques chefs permanents, de ces porte-parole qu’on présente comme les “ anciens soixante-huitards ” et qui ne représentent rien d’autre que leur propre vanité. Car ceux-là n’ont rien été en 68, ou plutôt ils ont été pris dans un mouvement qui les a de toute façon dépassés. Ils n’en ont pas pris la tête, encore moins en ont-ils été les cerveaux. Car 68 n’a pas eu de chefs, de maîtres, d’interprètes officiels et même officieux. Ces chefs supposés sont devenus chefs après, et se sont laissé traiter comme tels après. Ils sont venus après, ils ont géré l’image et le sens après. Ce sont des gens d’après.....

....Dix ans après, nous étions dépeints comme ces enfants de la consommation et de la scolarisation de masse, placés à l’avant-garde, non point du prolétariat comme nous l’avions imaginé, mais de ces “ nouvelles classes moyennes salariées ” partant à l’assaut de la prospérité et de la civilisation des loisirs....
.....L’individu, qui avait en quelque sorte 68 pour origine absolue, s’était rendu suprêmement frivole et disponible à toutes les aventures lesquelles étaient, filiation avec les frissons de Mai oblige, “ au coin de la rue ”.....
....Nous ne nous reconnaissions guère dans cette bonne société nouvelle dont le journal qui prétendait s’adresser à nous et nous représenter donnait tous les matins les échos, les rumeurs et les éclats. Nous ne vîmes d’ailleurs bientôt plus dans ce journal que la déformation, quand ce ne fut la trahison, de ce en quoi nous avions eu foi, de ce sur quoi nous avions fondé nos existences, sans toutefois renoncer définitivement à nous infliger de temps à autre un bref mais déplaisant rappel.....
Les vainqueurs parmi nous, disons-le, ce sont ceux qui, du gauchisme, ont retenu une formidable leçon d’aisance et de mépris, qui ont compris en cyniques, et plus vite que d’autres, combien la “ culture bourgeoise ” était une foutaise, que la bourgeoisie la plus vraie, celle de l’argent et du pouvoir, n’avait rien de cultivée, qu’elle n’avait pour toute culture que celle des chroniques informées des magazines dans lesquelles elle s’admire et se conforme....
...Il suffisait au fond de transformer d’anciens révolutionnaires en nouveaux administrateurs de la communication sociale pour que la religion de la parole sans limites pût s’établir. L’arrivée de la gauche au pouvoir acheva la mutation en supprimant les derniers scrupules....

....C’est pourquoi il importe de ne pas se laisser déposséder de l’événement qui a décidé de notre vie. Il importe, oui, de ne pas laisser dire aux vainqueurs ce que fut notre génération, ce qu’elle a fait, ce qu’elle a espéré, ce qu’elle a réussi et ce qu’elle a raté. Ce serait comme nous suicider historiquement, ce serait laisser derrière nous inentamé le règne des menteurs...
....Notre morale, aussi paradoxale qu’elle puisse paraître à ceux qui n’ont pas connu cette histoire, a consisté à nous mettre du côté des vaincus, sans honte et même avec une certaine fierté non pas d’être vaincus mais de ne pas être parmi les vainqueurs satisfaits. Tel fut le point de bifurcation. Ce pas n’était pas la suite d’une suite d’une décision réfléchie, elle résultait souvent d’une paresse, d’un refus poli ou d’un échec qui nous ont épargné d’accéder à quelque fonction avantageuse....
....Notre désarroi fut donc à l’échelle de cette défaite, nous qui avions cru remettre la politique authentique, la grande politique avec ce qu’elle porte de liberté vraie, au centre de la vie de tous, nous qui avions cru si souvent détruire la médiocrité, le morne et le vide des vies trop adaptées au “ système ” par la nouvelle espérance qui nous mobilisait et nous détournait du “ métro-boulotdodo ”, comme nous disions très naïvement peut-être – mais la naïveté est souvent le défaut de ceux qui ne sont pas entièrement soumis à la force des choses ou pas encore corrompus par les biens du monde...
....Ceux qui dans la plupart des occasions où il leur fut donné de prendre position, de choisir leur camp, de partager un combat, ont choisi l’opposition à ceux qui exerçaient un pouvoir de façon abusive, mensongère, exclusive, despotique, ou qui l’exerçaient de sorte à ce que cela renforce les situations d’oppression et d’inégalité - la forme et l’effet allant généralement ensemble-, ceux donc qui n’ont pas donné leur appui au côté dominant des relations de pouvoir mais ont cherché plutôt à l’affaiblir, à le miner, à le réduire, à le saboter par tous les moyens possibles, ceux-là sont vraiment restés fidèles à l’esprit d’une génération, rebelles aux chefferies anciennes et modernes, qu’il s’agisse de petits ou de grands chefs, qu’il s’agisse de patrons, de bureaucrates, de politiciens locaux, de ministres, de magistrats, de journalistes....

....Quelles que furent par conséquent nos occupations, quels que furent les domaines de nos expériences et de nos fonctions, nous avons eu pour commune fidélité le refus de l’exercice oppressif du pouvoir ....
...Athées en tout, nous ne nous accommodons pas, nous ne nous raccommodons pas, nous ne nous réconcilions pas. Nous voulons rester fidèles à ce qu’il y a d’avenir dans le passé qui nous a fait, toujours fidèles à ce qu’il y a d’espoir, même quand nous pensons que le changement est impossible, dans le seul fait de se battre contre l’intolérable du présent....
....Nous fûmes gens ordinaires en apparence, répondant à nos qualités et à nos titres, accomplissant nos fonctions requises. Intégrés, aurait dit le discours d’autrefois. Mais nombre d’entre nous, un nombre indécidable, un nombre considérable fut bien autre chose que la somme de reniements que certains aimeraient toujours lire dans le cours des vies simples. Ce que nous fûmes, c’est l’envers de cette image, c’est l’autre côté de cette histoire, c’est le côté d’ombre, l’obscurité dont a eu besoin la sourde et discrète résistance, la sourde et discrète subversion.....

Libellés :

1 commentaires:

Anonymous Anonyme a dit...

La révolution surréaliste qu'Aragon lui-même n'a pas reconnu!
Il faut dire qu'elle venait après coup. Ce que les surréalistes n'avait pas osé.

23 mars 2008 à 10:50  

Enregistrer un commentaire

Abonnement Publier les commentaires [Atom]

<< Accueil