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Lieu : Avignon, Vaucluse, France

mercredi 26 septembre 2007


Paul Ricoeur - identité - mémoire - histoire

Il s'agit des phénomènes de manipulation qu’on peut assigner à un facteur inquiétant et multiforme qui s’intercale entre la revendication identitaire et les expressions publiques de la mémoire. Le phénomène a parti lié avec l’idéologie dont le mécanisme reste volontiers dissimulé ; à la différence de l’utopie, avec laquelle l’idéologie mérite d’être couplée, il est inavouable ; il se masque en se retournant en dénonciation contre les adversaires dans le champ de compétition entre idéologies ; c’est toujours l’autre qui croupit dans l’idéologie. De plus, il opère à des niveaux multiples. Au plus près de l’action, il constitue une stratégie indépassable, en tant que médiation symbolique relevant d’une "sémiotique de la culture" (Geertz) ; c’est à ce titre de facteur d’intégration que l’idéologie peut jouer le rôle de gardienne de l’identité. Mais cette fonction de sauvegarde ne vaut pas sans des manoeuvres de justification dans un système donné d’ordre ou de pouvoir, qu’il s’agisse des formes de la propriété, de celles de la famille, de l’autorité, de l’Etat, de la religion. Toutes les idéologies en définitive tournent autour du pouvoir. De là on passe aisément aux phénomènes plus apparents de distorsion de la réalité dont les adversaires se plaisent à s’accuser mutuellement.
On voit tout de suite à quel niveau les idéologues peuvent intervenir dans le processus d’identification par soi-même d’une communauté historique : au niveau de la fonction narrative. L’idéologie de la mémoire est
rendue possible par les ressources de variation qu’offre le travail de configuration du récit. Tout récit est sélectif. On ne raconte pas tout, mais seulement les moments saillants de l’action qui permettent la mise en
intrigue, laquelle concerne non seulement les événements racontés mais les protagonistes de l’action, les personnages. Il en résulte qu’on peut toujours raconter autrement. C’est cette fonction sélective du récit qui
offre à la manipulation l’occasion et les moyens d’une stratégie rusée qui consiste d’emblée en une stratégie de l’oubli, autant que de la remémoration. De ces stratégies relèvent les tentatives exercées par certains groupes de pression qu’ils soient au pouvoir, dans l’opposition ou réfugiés dans des minorités agissantes, pour imposer une histoire "autorisée", une histoire officielle, apprise et célébrée publiquement.
Une mémoire exercée, en effet, c’est au plan institutionnel une mémoire enseignée ; la mémorisation forcée
se trouve ainsi enrôlée au bénéfice de la remémoration des péripéties de l’histoire commune tenue pour les
événements fondateurs de l’identité commune. La clôture du récit est mise ainsi au service de la clôture
identitaire de la communauté. Histoire enseignée, histoire apprise, mais aussi histoire célébrée. A la
mémorisation forcée s’ajoutent les commémorations convenues. Un pacte redoutable se noue ainsi entre
remémoration, mémorisation et commémoration. Cette mainmise sur l’histoire n’est pas la spécialité des
régimes totalitaires ; elle est l’apanage de tous les zélés de la gloire.
Nous en avons dit assez concernant cette seconde cause de faillibilité de la mémoire et de son exploitation
idéologique. Une des répliques à ces manipulations est à chercher au niveau même où elles s’exercent par
privilège. Celui du récit. On peut toujours raconter autrement, venons-nous de dire. Mais précisément cette
ressource n’est pas seulement offerte à la distorsion des faits mais aussi à la critique de la manipulation.
Raconter autrement, en confrontant des récits divergents, comme les historiens ont appris à le faire au plan
de la critique des témoignages, ces récits devenus document et archive. Confronter les récits, c’est d’abord
se laisser raconter par les autres, et en particulier laisser raconter par les autres nos récits fondateurs, et
ainsi accéder à une mise en intrigue différente des événements qui sont à la base de nos célébrations
communautaires ou nationales. Nous touchons ici aux correctifs que l’histoire peut exercer à l’égard de la
mémoire. Outre son amplitude dans l’espace et dans le temps, l’histoire apporte l’aiguillon de la
comparaison, à la faveur de laquelle nous sommes invités à réinterpréter notre identité en terme de
différence par rapport aux identités adverses. C’est sur cette voie que peut être retournée contre elle-même
la tendance initiale à ressentir la confrontation avec autrui comme une menace pour l’identité propre, celle
du nous comme celle du moi. "Conforter son identité sans refuser l’autre et sans le maltraiter" dit le titre de
notre session. Cela le récit critique peut le faire, à l’encontre des récits de la "déraison identitaire".
j'avoue que je ne sais plus dans quel texte j'ai copié ces passages

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