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Lieu : Avignon, Vaucluse, France

mercredi 21 octobre 2009


20 octobre - loi de finance - motion de rejet

M. Jérôme Cahuzac. Madame la présidente, monsieur le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État, monsieur le président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, mes chers collègues, le budget que nous examinons s’inscrit dans un triple contexte. En effet, il y a d’abord un contexte de crise, que les orateurs de la séance précédente ont abondamment rappelé. Ensuite, il y a le contexte futur du grand emprunt, qui rend l’examen de ce budget étrange puisque nous savons que ce n’est pas à cette occasion que nous traiterons de ces dépenses d’avenir, alors que c’est en principe toujours le cas. Enfin, il y a le contexte très particulier, bien qu’il n’ait pas encore été évoqué, de la moitié de la mandature du Président de la République – comme de la représentation nationale d’ailleurs. Ce contexte de mi-mandature amène légitimement les uns et les autres, en particulier l’opposition, à s’interroger sur le respect des engagements pris et des promesses faites par celui qui, à l’époque, n’était encore que candidat à l’élection présidentielle.

Je ne dirai qu’un mot du contexte de crise puisque vous, monsieur le ministre, ainsi que Mme Lagarde, le président de la commission des finances et le rapporteur général l’avez déjà abondamment évoqué. Quand on replace le projet de loi de finances dans ce contexte de crise, il faut éviter les simplifications hasardeuses et reconnaître ce qui a été fait quand cela correspondait à l’intérêt général. À cet égard, au moment où éclatait la crise financière la plus violente depuis la deuxième guerre mondiale, il fallait une réaction coordonnée, collective et puissante. Il faut reconnaître aux autorités des différents pays européens, notamment aux autorités françaises, qu’elles ont su mesurer la gravité de la crise, et, sous présidence française, d’avoir permis une telle réaction. Ne pas le reconnaître serait injuste, et cette injustice amoindrirait les critiques que l’on peut par ailleurs porter à la politique budgétaire du Gouvernement. Car si nous n’avons pas voté contre le plan de sauvetage de notre secteur bancaire et financier, nous ne l’avons pas non plus approuvé, pour des raisons dont l’année écoulée démontrent qu’elles étaient pertinentes. Je veux rappeler qu’elles étaient ces raisons.

Tout d’abord, nous estimions que s’il y avait une véritable urgence à rétablir les banques dans les responsabilités majeures qui sont les leurs dans le financement de l’économie, il y avait aussi une urgence économique et sociale, que ce plan-là ne traitait pas.

La deuxième raison pour laquelle nous n’avons pas voté ce plan, c’est qu’il nous a semblé qu’autant via la Société de financement de l’économie française que via la Société des prises de participation de l’État, les choix qui avaient été faits n’étaient pas les meilleurs possible.

Dans le cadre de la SFEF, c’est plus de 260 milliards d’euros que l’État s’était engagé à mobiliser pour garantir les actifs des banques – 93 milliards ont effectivement été engagés. Il s’agit de fonds levés avec la garantie de l’État et servant à refinancer les prêts bancaires avec en contrepartie, de la part des banques, des collatéraux, c’est-à-dire des actifs apportés en garantie. Or nul ne connaît la nature exacte et pas davantage la qualité des collatéraux garantissant ces 93 milliards d’euros de fonds publics. C’est un risque majeur qui a été pris à l’époque que de procéder ainsi. Aujourd’hui encore, nul ne sait si ces collatéraux sont de nature à gager les 93 milliards ou si tout ou partie de cette somme – vraisemblablement une partie – devra s’ajouter au stock de dettes déjà considérable que notre pays a constitué, qu’il s’agisse de la dette de notre système de protection sociale ou de la dette de l’État. C’est la première erreur commise, et elle persiste. En un an, un contrôle indépendant n’a porté que sur 1,2 milliard d’euros, soit une infime partie des 93 milliards. Certes, ce contrôle n’a rien révélé susceptible d’inquiéter quant à la nature des garanties apportées par les banques, mais comment affirmer qu’aucune inquiétude n’apparaissant à l’examen de 1,2 milliard d’euros, il faudrait n’en avoir aucune pour la somme entière ?

Je ne crois pas qu’il soit légitime d’écarter cette critique d’un simple revers de la main, d’autant que Eurostat estime que cette dette de 93 milliards, qui représente tout de même 5,4 % du PIB, doit s’ajouter au stock de dettes du pays. Le poids de notre dette s’alourdirait alors subitement de façon considérable. Or, comme l’a très justement fait remarquer le président de la commission des finances, en cas d’alourdissement subit et brutal de la dette publique française, c’est son financement qui finirait par poser problème : 0,1 point de spread de dégradation, c’est un milliard d’euros d’intérêts en plus. Je ne crois pas que nos finances publiques résisteraient durablement à un alourdissement brutal de 5,4 points de PIB du poids de la dette. C’est pourtant le risque que nous courons. Telle est la première critique.

La deuxième concerne la Société des prises de participation de l’État. Déjà, à l’époque, nous vous avions demandé, monsieur le ministre, non pas de vous contenter de prêts supersubordonnés ou d’actions préférentielles, mais bien d’entrer en bonne et due forme dans le capital des entreprises bancaires concernées. Certes, y entrer immédiatement était difficile, mais nous savons tous qu’il existe des moyens financiers et juridiques qui auraient permis de répondre à l’urgence tout en garantissant l’entrée de l’État au capital des banques. Or après une première tranche de 10,5 milliards d’euros de prêts supersubordonnés, puis une quinzaine de milliards d’euros d’actions préférentielles, qu’en est-il ? Certes, nous obtenons le remboursement des premiers et probablement la vente des seconds, avec toutefois une plus-value plafonnée à 20 %. Mais ni les prêts supersubordonnés ni les actions préférentielles ne donne à l’État un droit de vote ou la possibilité de désigner un représentant au conseil d’administration. En outre, l’échange avec des actions ordinaires n’est pas permis. Ce n’est pas la meilleure façon de protéger et de défendre les intérêts patrimoniaux de l’État. Celui-ci est présent au capital de la BNP pour 15,2 % et à celui de la Société Générale pour 7,2 %. Or, et c’est bien ce qui est choquant, de tels niveaux de participation, tout à fait considérables dans le capitalisme moderne, ne lui donnent ni droit de vote, ni droit de transformer ses titres en actions normales, ni droit aux bénéfices maintenant que l’action de ces entreprises est en train de se réévaluer.

À cet égard, nous avons clairement une divergence, Mme Lagarde ayant utilisé des termes à la fois impropres et inappropriés. Car parler de boursicotage quand il s’agit de 5 milliards, 10 milliards ou 15 milliards d’euros, est évidemment inadapté. Boursicoter, ce n’est pas manipuler de telles sommes. Quant à appeler « spéculer » le fait d’entrer dans le capital d’une entreprise pour ensuite, pour la seule défense des intérêts patrimoniaux de l’État, réaliser une plus-value dont son budget aurait bien besoin, c’est tout à fait scandaleux. De plus, c’est tenter de couvrir d’une justification morale ce qui, en fait, fut une erreur de gestion et une faute politique. Oui, notre budget, mes chers collègues, aurait bien eu besoin d’une plus-value de cession – je rappelle que l’État a déjà réalisé ce type d’opération. Personne ne suggérait qu’il reste de façon durable au capital de ces entreprises.

M. Dominique Baert. Ça leur aurait fait du bien !

M. Jérôme Cahuzac. En revanche, il était normal, après que l’État et les contribuables eurent pris tous les risques, qu’ils puissent en tirer un certain bénéfice. Le président de la commission des finances a rappelé que le gouvernement de la Confédération helvétique, qui n’est tout de même pas animé d’un esprit collectiviste acharné, après avoir aidé UBS à hauteur de 5 milliards de francs suisses, en a tiré une plus-value de un milliard de francs suisses pour son propre compte, c’est-à-dire celui des contribuables. Cette rentabilité de 20 % n’était pas inenvisageable s’agissant des établissements bancaires de notre pays. Sachant que les prêts supersubordonnés et les actions préférentielles ont été souscrits pour un montant de l’ordre de 25 milliards d’euros, un taux de rentabilité de 20 % aurait donné 5 milliards d’euros.

M. Henri Emmanuelli. Ça nous aurait fait du bien !

M. Jérôme Cahuzac. Reconnaissez, monsieur le ministre, qu’une recette exceptionnelle de 5 milliards d’euros dans la présentation de votre budget n’aurait pas fait mauvaise effet. Vous êtes obligé de vous en passer car vous avez commis, je le répète, une erreur de gestion. Nous sommes dans notre rôle en la dénonçant. Vous êtes dans le vôtre en prétendant qu’il ne fallait point faire autrement. Le débat parlementaire sert à éclairer nos concitoyens. Ensuite, ce sera à eux de juger.

Nous pouvons considérer que la résolution de la crise financière est en bonne voie, mais cela ne règle en rien la crise économique et sociale que nous traversons. De ce point de vue aussi, ce budget est décevant. On en attendait beaucoup plus pour gérer la crise et la sortie de crise, mais aussi eu égard aux promesses, pas si lointaines, d’un candidat qui avait su, à l’occasion de sa campagne et après son élection, faire naître enthousiasme et confiance. Mes chers collègues de la majorité, chacun sait qu’à l’enthousiasme et à la confiance ont succédé le désenchantement, parfois même la colère si j’en juge par l’attitude et les demandes des agriculteurs, qu’il s’agisse des actifs ou des retraités, qui, une fois encore, ont été grugés par vos promesses. À ce désenchantement et à cette colère que répondez-vous ? Je ne le vois guère dans ce budget, monsieur le ministre des comptes publics. De cela aussi, les députés qui approuvent la politique du Gouvernement auront à rendre compte.

En effet, ce qui marque ce budget, c’est un déficit record, historique, l’enkystement d’injustices sociales, l’improvisation, l’amateurisme et un peu de désinvolture dans la présentation du projet de réforme de la taxe professionnelle ; c’est aussi beaucoup de faux-semblants avec la taxe carbone ; enfin, c’est une traite sur le futur avec un éventuel grand emprunt qui traitera des dépenses d’avenir le jour où le Gouvernement consentira à saisir le Parlement. Aujourd’hui, mes chers collègues, discutent et traitent du grand emprunt des citoyens certes responsables, mais qui ne sont pas élus de la nation, quand d’évidence ce rôle appartient d’abord et avant tout à la représentation nationale, et donc bien évidemment aux députés lorsque ceux-ci discutent du budget de la nation.

Vous le voyez, les qualificatifs que j’ai employés augurent mal du jugement que nous porterons sur ce budget aux déficits historiques : 8,2 % du PIB cette année, 8,5 % l’année prochaine ; 141 milliards en exécution en 2009, 116 milliards prévus en 2010. Les chiffres sont particulièrement inquiétants. Je rappelle qu’en 2001, le stock de dettes représentait un peu moins de 57 % du PIB, alors qu’à la fin de l’année 2010, il atteindra au moins 84 % du PIB. Tout cela montre la dégradation de nos finances publiques et devrait conduire à un vrai débat, et non pas à une caricature de discussion dont j’ai parfois eu le sentiment en vous écoutant, monsieur le ministre, qu’elle vous semblait préférable. Il ne s’agit pas de discuter la nécessité d’engager l’argent public pour traiter la crise. Tous les gouvernements du monde ont laissé filer leur déficit budgétaire, et, en France, tout autre gouvernement aurait, lui aussi, et probablement sous vos critiques, laisser filer le déficit budgétaire.

La question n’est donc pas de savoir s’il fallait ou pas laisser filer les déficits pour financer les plans de relance. Il fallait des plans de relance et donc, pour cela, il fallait alourdir la dette. Si nous vous critiquons, ce n’est pas parce que les déficits de l’État s’aggravent du fait de la crise, mais parce qu’auparavant, à la suite de mesures que ni la crise ni quoi que ce soit d’autre ne vous imposait de prendre, vous avez opéré des baisses de recettes pour l’État qui ont pesé lourdement lorsque précisément la crise s’est installée.

Le rapport de Gilles Carrez est éclairant sur ce point. J’engage les collègues que cela pourrait intéresser à se pencher sur les quinze ou vingt premières pages de ce rapport où il est expliqué que, depuis l’an 2000, les gouvernements successifs ont procédé à une centaine de milliards d’euros de baisse de recettes pour l’État et la sécurité sociale.

Nous devons y prendre notre part puisque les premières baisses de l’impôt sur le revenu et de la TVA furent opérées sous l’autorité du Gouvernement de Lionel Jospin. Ensuite les choses se sont emballées, c’est le moins que l’on puisse dire ! Si les deux premières mesures ont pesé et pèsent encore, ce sont surtout les suivantes qui ont supprimé des recettes qui font cruellement défaut actuellement et expliquent pour partie le déficit considérable auquel nous avons à faire face.

Certes, monsieur le ministre, la crise joue son rôle dans la baisse des recettes fiscales qui a frappé notre pays, mais ce que vous appeliez vous-même les baisses volontaristes d’impôt en joue un également. En gros, entre 40 et 45 % de la baisse des recettes fiscales proviennent des politiques que vous avez délibérément menées avant même que la crise ne fût là et n’impose quoi que ce soit : les baisses d’impôts opérées en 2006 sous le Gouvernement de Dominique de Villepin, la baisse de la TVA, le paquet fiscal.

On pourrait multiplier les exemples puisque depuis 2002, comme chacun sait, la dépense fiscale – les niches – ont augmenté de 25 milliards d’euros, passant de 50 milliards d’euros à 75 milliards d’euros. Notre État n’a plus les moyens de cette politique fiscale, monsieur le ministre. Nous en sommes tous convaincus.

Certains estiment que ces déficits ont une finalité – j’ignore si tel est votre cas, monsieur le ministre. En libéraux que vous avez toujours été et n’avez jamais cessé d’être, vous pensez que diminuer les ressources de l’État sans que la dépense publique ne baisse pour autant à due concurrence, cela revient forcément, à un moment ou à un autre, à pratiquer des coupes claires soit dans les services de l’État, soit dans les services de protection sociale, soit – ce que l’on peut craindre dans un proche avenir – dans les collectivités locales.

Vous êtes effectivement arrivé à vos fins et deux chiffres prouvent à quel point la situation est grave : nous en sommes à plus de 56 % du PIB de dépenses publiques pour des prélèvements obligatoires qui sont passés, en un an, de 42,7 % à 40,7 %. D’ailleurs, comme M. le Premier ministre il y a une quinzaine de jours, vous vous êtes réjoui de cette baisse des prélèvements obligatoires, indiquant que cette promesse-là aussi serait tenue par le Gouvernement, après avoir été faite par le candidat Nicolas Sarkozy.

Il ne faut quand même pas exagérer, mes chers collègues ! Nous savons tous que cette baisse des prélèvements obligatoires qui est intervenue entre 2008 et 2009 ne doit rigoureusement rien à des mesures que vous auriez pu prendre et tout à la crise. C’est l’impôt sur les sociétés qui, pour l’essentiel, explique cette baisse des prélèvements obligatoires, laquelle se parachève avec la décision extrêmement contestable de la baisse de la TVA dans la restauration.

Cette baisse de recette fiscale relève beaucoup plus du caprice d’un homme que de la volonté délibérée et consciente d’un Gouvernement et de sa majorité. Certains peuvent le dire ici quand d’autres doivent se contenter de le penser. En le déclarant à cette tribune, je crois ne pas beaucoup me tromper.

Cette baisse des prélèvements obligatoires ne doit donc rien à une quelconque politique menée et tout à la crise, pour le coup. Quoi qu’il en soit, entre la dépense publique – 56 % du PIB – et les prélèvements obligatoires – 40 %, du PIB –, il y a seize points d’écart. Mes chers collègues, le déficit de notre pays réside dans ces seize points d’écart.

En dépit de vos efforts, monsieur le ministre, je ne vois pas comment vous pourriez réduire la dépense publique à due concurrence des réductions des recettes fiscale auxquelles vous avez procédé – avec constance, je dois le reconnaître – depuis maintenant deux ans et demi que vous êtes ministre des comptes publics. En réalité le mouvement est engagé depuis 2002, depuis que cette majorité préside aux destinées du pays.

Ce déficit, mes chers collègues, il faudra bien envisager un jour la manière de l’apurer. Dans ce projet de loi de finances, dans les propos de M. Woerth ou ceux de Mme Lagarde, rien ne nous permet de comprendre la manière dont vous envisagez cette réduction.

Vous nous parlez de la croissance qui sera de 0,7 % l’année prochaine, le Premier ministre annonçant pour sa part un taux de 1 %. En 2007, avec une croissance du PIB de 2,4 %, l’État a continué à s’endetter. Les déficits ne se résorberont donc pas en 2010 ni au cours des années suivantes, car il faudrait pour cela une croissance beaucoup plus forte que celle que même les plus optimistes d’entre vous n’osent imaginer. La croissance ne suffira donc pas, tout en étant nécessaire. Nous l’appelons tous de nos vœux, même si, contrairement à vous, nous pensons que les politiques menées la préparent plutôt mal.

La croissance ne suffisant pas – et vous en avez conscience –, vous évoquez la fameuse réduction de la dépense publique, en citant en exemple la révision générale des politiques publiques, la RGPP.

Citons quelques chiffres éclairants. Dans sa déclaration de politique générale, le Premier ministre avait indiqué que 20 milliards d’euros seraient économisés durant la totalité de la mandature. Quand à vous, monsieur le ministre, vous avez indiqué que sept à huit milliards d’euros seraient économisés au titre de la RGPP, et pas un milliard de plus.

M. Alain Marc. Et alors ? C’est très bien !

M. Jérôme Cahuzac. C’est certainement une bonne chose, encore que je voudrais modérer l’enthousiasme de certains. Si le non-remplacement du départ à la retraite d’un fonctionnaire sur deux permet d’économiser trois milliards d’euros sur la mandature, c’est exactement la dépense à laquelle vous avez consenti pour diminuer la TVA dans la restauration. Bref : avec une seule mesure et d’un seul coup, vous avez annulé la moitié d’efforts considérables !

En effet, nous sommes convaincus que réduire la dépense publique de sept à huit milliards d’euros en cinq ans – la durée d’une mandature – demande des efforts considérables. Ah, il vous faut certainement en tenir des réunions, monsieur le ministre ! Il faut en mobiliser des agents de la fonction publique d’État ! Il en faut des arbitrages, des notes, des expertises. Tout cela pour économiser sept à huit milliards d’euros dont la moitié s’en va dans une seule mesure : la baisse de la TVA sur la restauration qui, je le répète, fut décidée à la suite d’un caprice – l’actuel chef de l’État voulait démontrer qu’il faisait mieux que son prédécesseur, comme si la compétition continuait entre eux, pour le plus grand malheur de nos finances publiques et, je le crains, de notre pays.

La révision générale des politiques publiques ne suffira pas à réduire les déficits, monsieur le ministre. Quand on voit vos efforts pour parvenir à économiser huit milliards d’euros, comment considérer l’engagement du Président de la République à propos du grand emprunt, qui serait gagé sur une réduction de la dépense publique à due concurrence de son montant ? Ce n’est absolument pas vraisemblable.

Promettre 30, 50, voire 100 milliards d’euros – le chiffre a été prononcé à Versailles – de grand emprunt et un montant équivalent de réduction de la dépense publique, c’est tout simplement irréaliste, et faire prendre aux parlementaires des vessies pour des lanternes. Ce n’est évidemment pas ainsi que les choses se passeront.

Puisque ni la croissance ni la réduction de la dépense publique n’y suffiront, reste l’inflation. Il ne faut pas compter sur l’inflation, mes chers collègues. La Commission européenne a placé certains États sous surveillance, en déclenchant des procédures de déficit excessif. C’est la procédure qui précède, comme chaque fois, la remontée des taux de la Banque centrale européenne.

Ces taux vont remonter, provoquant un effet absolument redoutable dans la structure de notre dette puisque – le rapporteur général l’a parfaitement expliqué – nous avons fini de rembourser des emprunts à moyen et long terme en empruntant sur du court terme. Ce sont ces taux-là qui vont remonter.

Nous allons subir un alourdissement du service de la dette qui sera totalement insupportable, toutes choses égales par ailleurs : il pourrait atteindre 20 milliards d’euros en 2013, et on peut craindre qu’il ne soit plus important encore et à une échéance plus brève, ce que je ne souhaite naturellement pas. Cependant, puisque gouverner c’est prévoir, je trouve surprenant que ce projet de budget n’envisage en rien cette hypothèse certes funeste pour le pays, mais néanmoins non irréaliste.

La croissance ne suffira pas ; la réduction de la dépense publique ne suffira pas ; nous ne pouvons pas compter sur l’inflation. En outre, que je sache, dans des pays modernes et des organisations mondiales telles que les nôtres, la répudiation de la dette ne se fait pas. La dernière fois, il s’agissait des emprunts russes. Je vois mal le président Sarkozy répudier la dette du pays.

Quelle est la conséquence de tout cela ? Il faudra que les impôts y pourvoient. C’est le deuxième débat auquel nous devons nous prêter, là encore sans caricature. Il ne s’agit pas de savoir s’il faut de la croissance ou des impôts. Il faudra la croissance et des impôts, monsieur le ministre. Faire croire que nous voulons des impôts au risque de tuer la croissance serait aussi caricatural que si nous pensions que, sincèrement, vous imaginiez que la croissance au cours des quatre à cinq ans à venir suffira à rembourser les dizaines de milliards d’euros que le Gouvernement auquel vous appartenez emprunte maintenant et avec constance chaque année depuis 2007.

Parce que nous sommes convaincus qu’il faudra les deux – la croissance et les impôts –, nous estimons qu’il existe un préalable : la justice fiscale. Sans cela, nos concitoyens n’accepteront pas de prélèvements supplémentaires qui, pourtant, seront nécessaires pour que notre pays puisse apurer ses comptes publics. À défaut, comme le dit la Cour des comptes, la dette deviendra incontrôlable, ce qui compromettra toute politique publique, quel que soit le Gouvernement qui voudrait la mettre en œuvre.

Apurer les comptes publics par les impôts, en espérant la croissance et en ayant, au préalable, réduit l’enkystement de l’injustice fiscale, suppose que vous preniez certaines mesures courageuses : il vous faudra revenir sur des dispositions que vous avez adoptées dans l’enthousiasme de l’été 2007. Toutes les majorités ont connu ces enthousiasmes durant l’été suivant une victoire politique ; toutes en sont revenues.

Il faudra revenir sur ce qu’on a appelé le paquet fiscal de l’été 2007 pour une raison très simple : il est injuste et inefficace. Cette année, les heures supplémentaires ont coûté trois milliards d’euros. Il n’y a pas plus d’heures supplémentaires effectuées ; il y en a même plutôt moins. Imaginez que le nombre d’heures supplémentaires est à peu près le même cette année avec une récession de 2,25 % qu’en 2007 avec une croissance de 2,4 % !

Les entreprises dont les salariés bénéficient d’heures supplémentaires défiscalisées et désocialisées et celles qui sollicitent l’État pour indemniser le chômage partiel sont les mêmes. L’État paie deux fois : pour les heures supplémentaires et pour le chômage partiel, alors qu’incontestablement une partie du chômage partiel est évidemment due aux heures supplémentaires. Cette politique de Gribouille coûte trop cher pour être maintenue.

Il en va de même pour les mesures relatives aux successions qui coûteront deux milliards d’euros cette année, alors qu’objectivement notre économie n’en tire que peu ou pas de bénéfices.

Quant à la déductibilité des intérêts d’emprunt pour les primo-accédants, on sait désormais – analyse de la Cour des comptes à l’appui – qu’elle n’est qu’une subvention déguisée aux banques, dont ne profitent en rien les primo-accédants.

Enfin, il y a ce fameux bouclier fiscal qui n’est pas la mesure la plus onéreuse mais la plus symbolique. Sur ce sujet, je trouve votre position étonnante, monsieur le ministre, et les propos du Président de la République peu crédibles.

À supposer que l’un de nos concitoyens, protégé par votre bouclier fiscal, paie une taxe carbone supérieure à la restitution forfaitaire que vous avez consentie. Estimez-vous, monsieur le ministre, que le bouclier fiscal sera écorné pour autant ?

Vous avez parlé des comptes de la sécurité sociale et nous savons que vous avez l’intention de taxer les retraites chapeaux. Si le responsable d’une banque, par ailleurs bénéficiaire du bouclier fiscal, se voit attribuer une retraite chapeau. Celle-ci pourra-t-elle taxée ou bien son bénéficiaire sera-t-il protégé par le bouclier fiscal ?

Ces seuls exemples démontrent que vous ne pourrez pas conserver le bouclier fiscal en l’état, chers collègues de la majorité. D’une certaine manière, le ministre des comptes publics vous indique bien la marche à suivre. Il sait que l’existence du bouclier fiscal empêche d’augmenter les impôts. Tant que le bouclier fiscal existe, toute augmentation des impôts serait perçue comme injuste et illégitime par nos concitoyens.

Madame la ministre de l’économie, monsieur le ministre, vous avez donc le choix : soit vous vous reniez sur le bouclier fiscal et vous apurez les comptes, soit vous restez sur vos positions actuelles…

M. Michel Vergnier. Droit dans vos bottes !

M. Jérôme Cahuzac. …en faisant courir un risque à nos finances publiques, celui de l’emballement de la dette que la Cour des comptes a parfaitement démontré. Vous ne sortirez pas de cette équation, et vous pouvez compter sur nous pour vous la rappeler chaque fois que l’occasion se présentera…

M. Lionnel Luca. Ça, c’est sûr !

M. Jérôme Cahuzac. … car c’est notre rôle d’opposant que de le faire.

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1 commentaires:

Anonymous David C. a dit...

La Dette de la France n’existe pas !
« La réalité est que la dette publique française est d’abord due aux intérêts payés aux établissements financiers auxquels nous avons emprunté. Pourquoi ? Parce que la loi Pompidou-Giscard du 3 janvier 1973, puis l’article 104 du traité de Maastricht, ont ôté le droit de création monétaire à la Banque de France et livré la monnaie aux banques et sociétés d’assurance. La dette fin 1979 était de 239 milliards d’euros, fin 2008 elle s’établit à 1327 milliards d’euros, soit une hausse de 1088 milliards en 30 ans, pendant lesquels nous avons payé 1306 milliards d’intérêts ! » Cheminade oct 2009
Les citoyens doivent dire NON à l’austérité sociale que la pensée dominante veux nous imposer!
Afin de faire face à la colère qui vient! Afin de faire face à la logique destructrice du système ! Afin de faire face au mépris de la classe dirigeante, en montant sur la scène de l’histoire! Afin de rompre avec la règle du jeu!
Je vous invite à lire et à partager le dernier tract de Solidarité et progrès :
http://www.solidariteetprogres.org/article5871.html
Il est temps que toutes les révoltes particulières donnent naissance à un projet commun révolutionnaire!
David C.
david.cabas.over-blog.fr

21 octobre 2009 à 14:42  

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