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Lieu : Avignon, Vaucluse, France

vendredi 6 juillet 2007


Loi sur la récidive – passages des interventions de Robert Badinter (moi et le copier coller)

Discussion générale

« C'est la première fois que vous intervenez dans cet hémicycle, madame la Garde des Sceaux, et je considère avec sympathie votre accession à la Chancellerie. J'y vois un symbole extrêmement important de l'intégration républicaine à laquelle nous sommes tous très attachés
Pourtant, j'aurais souhaité que vous fassiez vos débuts sur un autre texte. Il ne manque pas de sujets brûlants : ainsi en est-il de la réforme de la carte judiciaire, ou de la situation dans nos prisons pour laquelle nous souhaitons depuis très, trop longtemps une loi pénitentiaire. Vous auriez rencontré alors nos critiques, mais aussi notre volonté constructive.
Mais le texte que vous nous soumettez est inutile, implicitement vexant pour la magistrature et, ce qui est plus grave encore, potentiellement dangereux….. »
Inutile et vexant
« Durant les trois années écoulées, nous n'avons pas eu moins de trois textes à examiner concernant la lutte contre la récidive : il y a eu Perben II en mars 2004, il y a eu celui de votre prédécesseur, Pascal Clément, tout entier consacré au traitement de la récidive, en décembre 2005 et, il y a quelques mois, le ministre d'État, ministre de l'intérieur de l'époque, nous a présenté un texte sur la prévention de la délinquance dans lequel figurait nombre de dispositions sur la récidive. Tous vos prédécesseurs ont-ils cédé à une quelconque tentation laxiste ? Les commissions des lois du Parlement auraient-elles négligé des mesures importantes pour lutter contre la récidive ? Certainement pas !...
Un texte doit répondre à une finalité. D'ailleurs, l'article 8 de la Déclaration des droits de l'Homme ne dit pas autre chose : « La Loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires ». Dans le rapport de notre commission figure un tableau très intéressant relatif aux peines actuellement prononcées en cas de récidive. Les magistrats disposent-ils des moyens légaux pour prononcer les peines que le législateur souhaite qualifier de plancher ? Sans aucun doute. Ils peuvent d'ores et déjà prononcer les peines que vous souhaitez instaurer….
C'est pourquoi, lors de nos auditions, pas une voix ne s'est élevée au sein des associations de magistrats pour réclamer l'instauration de ces planchers. Ils nous ont tous demandé instamment de ne pas les prévoir. Et cependant vous le faites. Pourquoi ? Parce que vous estimez que les décisions des magistrats ne satisfont pas aux attentes du gouvernement et du Président de la République. Il veut donc adresser aux magistrats une sorte d'injonction, en fonction de ce qu'il estime nécessaire en matière de sanction….
C'est pourquoi j'ai parlé, dans mon propos introductif, du caractère inutilement blessant de ce texte à l'égard des magistrats, car il sous-entend qu'ils sont laxistes et qu'ils n'appliquent pas, ou mal, la loi. Certes, la magistrature française n'a pas que des vertus, mais elle a beaucoup plus de qualités que celles que l'on veut bien lui reconnaître et le laxisme ou la faiblesse à l'égard des récidivistes ne sont en rien ses caractéristiques…. »
Dangereux
« Nous savons - le constat est ancien- que le premier foyer de récidive, c'est la prison ; que dans les maisons d'arrêt surpeuplées se côtoient dans la même cellule de vieux chevaux de retour et des primo-délinquants, des professionnels du crime et des jeunes qui sortent de prison avec des adresses et des leçons. Vous jouez avec ce texte au pompier pyromane ; on comprend pourquoi vos prédécesseurs n'avaient pas voulu de peines plancher.
Nous pensons, nous, que la vraie question est celle de la signification de la récidive. C'est évidemment une faute du récidiviste, mais c'est aussi un échec qui le dépasse, un échec familial et social, un échec de l'institution judiciaire elle-même. Comment y remédier, sinon en agissant pour une réinsertion réussie ? Les procédures qui la permettent ont été multipliées ces dernières décennies, libération conditionnelle, semi-liberté, placement à l'extérieur, mais elles sont insuffisamment mises en oeuvre, faute de moyens ; éducateurs, travailleurs sociaux, médecins psychiatres sont trop peu nombreux. Nous luttons avec des textes, nous produisons du papier là où il nous faudrait combattre avec des professionnels ».


Et le lendemain sur l’article 1er instituant et fixant les peines planchers


« Existe depuis décembre 2005 un texte consacré en entier à la lutte contre la récidive. J'admire l'autocritique à laquelle se livre cette majorité en défendant le texte qui nous est aujourd'hui soumis ! Ce texte vieux de dix-huit mois seulement prévoyait la création d'une « commission d'analyse et de suivi de la récidive ». Cette commission, dont les membres ont été choisis par M. Clément, vient de rendre un avis -dont la commission des lois paraît n'avoir pas eu connaissance. Rien de plus éclairant n'a été présenté sur votre projet et sur son « efficacité » alléguée.
« La commission observe que ce projet tend à favoriser l'emprisonnement comme réponse à la récidive et qu'il aura nécessairement comme conséquence une augmentation de la population carcérale de majeurs et de mineurs ». Les peines minimales, continue-t-elle, ont existé en France avant d'être abandonnées et si elles se sont développées aux Etats-Unis et au Canada depuis 1978, où le taux d'emprisonnement est sept fois supérieur à celui de la France -si nous suivions cette voie, on imagine la désertification de certains quartiers- depuis 1978, des études scientifiques ont été publiées, qui ont démontré leur faible impact sur la diminution de la récidive, et en particulier celle des mineurs, d'où l'inversion actuelle de tendance. La commission, enfin, ne dispose pas d'informations équivalentes sur les expériences européennes. Quelle illustration plus éclatante peut-on souhaiter ? On ne peut plus objectivement approuver l'inspiration de ce projet, directement puisée aux Etats-Unis »

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