les bienfaits de la loi sur la recidive
déni de justice - dans Le Monde du 12 octobre 2007
Un parapluie volé dans une voiture ? Deux ans de prison ferme. Quelques euros dérobés dans un distributeur de boissons ? Deux ans ferme. L'achat de deux barrettes de cannabis pour une consommation personnelle ? Quatre ans ferme. Depuis l'entrée en vigueur de la loi du 10 août, qui fixe des peines planchers pour les récidivistes, les sanctions tombent, disproportionnées, souvent absurdes, distribuées de façon quasi automatique par des magistrats qui n'en peuvent mais, quoi qu'ils en pensent.
Nombre d'experts, juristes et magistrats, psychiatres et sociologues, avaient pourtant mis en garde : malgré de multiples travaux, aucune corrélation n'a jamais pu être établie entre la sévérité de la peine et le taux de récidive. Mieux même, l'analyse du système de peines planchers instauré aux Etats-Unis ou au Canada depuis une vingtaine d'années démontre qu'il est souvent contre-productif, notamment chez les mineurs, comme l'a souligné la commission de suivi de la récidive du ministère de la justice, il y a quelques mois.
Sourd à ces avertissements, le gouvernement a mis en oeuvre les engagements de Nicolas Sarkozy durant sa campagne et la philosophie répressive qui les inspire : à ses yeux, la sanction est le premier instrument de la prévention. Comme le répète à l'envi la garde des sceaux, Rachida Dati, "nous devons apporter une réponse ferme" à cette France en quête "de sécurité et de tranquillité".
Ce qui devait arriver arrive donc. Jusqu'à présent, le juge était chargé d'adapter la peine à la gravité des faits ; aujourd'hui, l'infraction suffit à définir la peine. C'est un camouflet pour les magistrats, ainsi soupçonnés de laxisme alors même que les peines n'ont cessé de s'alourdir depuis quinze ans. Mais cela revient surtout à nier les principes du droit français, mais aussi européen : l'individualisation de la peine, la prise en compte du parcours du délinquant, l'équilibre entre les circonstances de l'infraction et la personnalité de l'individu ; le tout à l'appréciation du magistrat chargé, naturellement, de punir la faute, mais aussi d'offrir une chance de réinsertion. C'est ce travail d'orfèvre qui est brutalement remis en question.
Les conséquences sont prévisibles : à l'instar de ce qui s'est passé aux Etats-Unis, la population carcérale va augmenter, voire exploser, alors même qu'avec 60 000 détenus les prisons françaises affichent déjà un taux de suroccupation de 120 %. Or chacun sait que la prison est tout sauf un antidote à la récidive, en particulier pour les petits délinquants.Vouloir rassurer l'opinion est une chose. Mais à quel prix et pour quel résultat ? Une justice automatique est une justice aveugle. Et une justice aveugle conduit, inévitablement, au déni de justice.
Sourd à ces avertissements, le gouvernement a mis en oeuvre les engagements de Nicolas Sarkozy durant sa campagne et la philosophie répressive qui les inspire : à ses yeux, la sanction est le premier instrument de la prévention. Comme le répète à l'envi la garde des sceaux, Rachida Dati, "nous devons apporter une réponse ferme" à cette France en quête "de sécurité et de tranquillité".
Ce qui devait arriver arrive donc. Jusqu'à présent, le juge était chargé d'adapter la peine à la gravité des faits ; aujourd'hui, l'infraction suffit à définir la peine. C'est un camouflet pour les magistrats, ainsi soupçonnés de laxisme alors même que les peines n'ont cessé de s'alourdir depuis quinze ans. Mais cela revient surtout à nier les principes du droit français, mais aussi européen : l'individualisation de la peine, la prise en compte du parcours du délinquant, l'équilibre entre les circonstances de l'infraction et la personnalité de l'individu ; le tout à l'appréciation du magistrat chargé, naturellement, de punir la faute, mais aussi d'offrir une chance de réinsertion. C'est ce travail d'orfèvre qui est brutalement remis en question.
Les conséquences sont prévisibles : à l'instar de ce qui s'est passé aux Etats-Unis, la population carcérale va augmenter, voire exploser, alors même qu'avec 60 000 détenus les prisons françaises affichent déjà un taux de suroccupation de 120 %. Or chacun sait que la prison est tout sauf un antidote à la récidive, en particulier pour les petits délinquants.Vouloir rassurer l'opinion est une chose. Mais à quel prix et pour quel résultat ? Une justice automatique est une justice aveugle. Et une justice aveugle conduit, inévitablement, au déni de justice.
1 commentaires:
La crise de la gauche : le choc avec le libéralisme (3)
Par Roland Hureaux. L'auteur achève son analyse de la crise de la gauche, qui ne s'en sortira qu'en prenant clairement position contre le libéralisme triomphant en Europe comme dans le monde.
Comme ces dynasties fatiguées qui tombent en quenouille, l'histoire du parti socialiste a abouti à Ségolène Royal. Elle qui avait soutenu avec ardeur la candidature ultra-européenne de Jacques Delors en 1995, résumait sur le plan économique les contradictions du socialisme pro-européen et mondialiste : la difficulté de présenter un projet alternatif sur le plan économique. Elle incarnait certes mieux que d'autres, par son image de femme libérée, l'avatar libertaire de la social-démocratie mais elle le faisait à un moment où la gauche perdait sa spécificité dans ce domaine. Faute de pouvoir de manière crédible revenir aux fondamentaux de la gauche historique : la réduction des inégalités, la lutte contre les puissances d'argent, notamment dans la presse, il ne lui restait à se singulariser que par un « plus social », en matière d'aide à l'enfance, d'enseignement, d'allocations et donc de dépenses publiques ignorant la crise profonde de l'Etat-providence. Une crise qui conduit les classes moyennes menacées de prolétarisation et ce qui reste de la classe ouvrière (les « travailleurs pauvres » récemment redécouverts par les statisticiens) à rejeter tout ce qui peut passer pour un excès de social, toute politique trop généreuse en faveur des exclus. Parce qu'ils ressentent confusément que ce sont eux et non les vrais riches qui vont en payer le prix, parce que passé un certain seuil, la redistribution en faveur du bas de l'échelle est vécue comme injuste par ceux qui travaillent. Même sur le terrain social, qui avait été longtemps le sien, la gauche en est venue à exaspérer la classe ouvrière !
Sarkozy a réussi son opération de brouillage
En se présentant comme le candidat de « la France qui travaille », Nicolas Sarkozy a bien perçu la faille d'une surenchère sociale par rapport au sentiment populaire dominant, même si on se demande encore par quoi va se traduire cette prise de position.
Qu'à l'inverse de tous ses prédécesseurs, Mme Royal ait néanmoins pris le pouvoir au PS par la droite, en insistant sur la sécurité et les valeurs patriotiques marque aussi une époque nouvelle. Mais sur ces thèmes, en phase avec les aspirations du peuple réel, la gauche se trouve, à l'évidence, en déficit de crédibilité.
En définitive l'alignement de la gauche sur les politiques économiques de droite et celui de la droite sur les valeurs sociétales de gauche aboutissent à une indifférenciation des valeurs politiques que l'univers des médias, lui-même fondé sur l'équivalence généralisée des valeurs, ne peut que ratifier. Un des objectifs, parfaitement atteint, de Sarkozy quand il a fait appel à des hommes de gauche était de mener à son terme ce travail de subversion du sens, d'indifférenciation droite-gauche. Dans cette nouvelle donne, la compétition pour le pouvoir est devenue un concours de mode dont la presse people est l'arbitre. Si la gauche en tant que classe ou idéologie ne peut être à ce jeu que perdante, la gauche en tant que syndicat d'intérêts électoraux ou faction (au sens que ce mot avait dans les républiques italiennes du Moyen-Age) a encore quelque chance de revanche si d'aventure elle se trouve un leader qui fasse plus « mode » que celui de la droite. Le succès de Tony Blair n'eut pas d'autre base. C'est un peu ce qui se trouvait sous-jacent dans la candidature atypique de Ségolène Royal. C'est le facteur mode qui lui a permis de surclasser aisément à la « primaire » ses rivaux socialistes. Mais à ce jeu, elle s'est trouvée elle-même surclassée en finale.
Fin de partie ?
Que le projet social-démocrate ait perdu largement son sens au sein d'une économie mondialisée, qu'il ne puisse s'accomplir qu'à l'abri d'un sas douanier ou à la rigueur monétaire, c'est ce qu'avaient compris depuis longtemps les amis de Jean-Pierre Chevènement. C'est aussi ce qu'a perçu Laurent Fabius quand il a refusé en 2005 la Constitution européenne au nom d'une Europe sociale bien différente de celle qui est promue aujourd'hui à Bruxelles.
Jean-Pierre Chevènement a échoué en 2002 à accéder au second tour des présidentielles. Laurent Fabius n'est pas allé jusqu'au bout de sa démarche référendaire qui eût été de présenter sa candidature aux présidentielles de 2007 en dehors du Parti socialiste : en rupture avec ce qui avait été la logique doctrinale du parti socialiste depuis 1945, il n'a pas osé l'être avec sa logique d'appareil.
Il est vrai que tout candidat de gauche qui prendrait le risque de remettre en cause la logique mondialiste ferait sans nul doute l'objet d'un tir serré des media, sur le thème de la ringardise, au même titre que ceux qui l'ont tenté à droite. Or, nous l'avons montré, il est désormais mortel de ne pas être fashionable.
Entre l'acceptation du libéralisme international, dont la machine européenne n'est plus que le relais et qui ne laisse guère d'espace à une authentique politique de gauche et les positions de refus radical du libéralisme promues par les chapelles d'extrême gauche, dont la crédibilité est proche de zéro, il n'y a plus guère d'espace.
Il se peut que la gauche française soit comme ces étoiles qui continuent de briller faiblement dans le ciel du fait de la distance et de la force d'inertie mais qui sont en réalité des astres étein
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