discussion générale xème loi immigration - Sénat - 2 octobre 2007
Pierre-Yves Colombat sénateur (PS) du Var - assez complet (il manque notamment le bel article 21 et l'accès des sans papiers aux structures d'hébergement)
« Les hommes normaux ne savent pas que tout est possible. » Ainsi s'exprimait David Rousset en des temps que l'on pensait révolus.
Qui aurait pensé qu'en France la « question immigrée » aurait un jour son ministère, qui plus est chargé de veiller sur l'identité nationale ? Cela se dit, dans un langage politiquement correct, « adopter une politique d'immigration volontariste pour renforcer la cohésion de notre société ». Selon vous, l'immigration d'aujourd'hui dessinerait le visage du pays dans plusieurs années.
Vous estimez que notre système d'intégration a fait faillite -c'est la saison... (rires à gauche)- ou a, plus exactement, « globalement échoué ». Pourtant, à regarder les chiffres, on se demande où est l'urgence à modifier, en urgence et pour la soixante-douzième fois, l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative aux droits d'entrée et de séjour des étrangers en France. Et la soixante et onzième modification a moins de quinze mois.
Selon Eurostat, les non-nationaux représenteraient 5,6 % de la population française. Un peu plus qu'en Italie (3,4 %), en Grande-Bretagne (4,7 %) ou en Suède (5,3 %), mais moins qu'en Allemagne (8,9 %), en Belgique (8,3 %) ou en Espagne (6,6 %). Nous sommes dans la moyenne. Ramenés à la population, c'est en France que les flux d'entrée sont les plus faibles parmi les grands pays développés : 0,34 % en 2004, contre 1,62 % en Espagne, 0,94 % en Allemagne, 0,87 % en Grande-Bretagne, etc. Nous ne sommes pas loin du taux japonais, pays pourtant peu favorable à l'immigration. On cherche la vague migratoire susceptible d'emporter notre identité nationale comme un château de sable... Selon Eurostat, entre 1990 et 2000, le nombre de nationaux français a augmenté de 2,5 millions et celui des étrangers a baissé de 330 000, évolution exceptionnelle en Europe.
La concentration des immigrés dans quelques régions, le niveau de chômage qui les frappe seraient la marque de l'échec de notre modèle d'intégration. Ils résultent plutôt de l'absence d'une politique d'aménagement du territoire et d'une politique économique qui a délibérément sacrifié l'emploi à la rente. Les immigrés ne sont pas plus concentrés que les cadres et professions intellectuelles supérieures dont 40 % résident en Ile-de-France. Leurs taux d'activité sont comparables à ceux des nationaux.
Un taux de croissance de 3 %, ce qui semble être l'objectif du Président de la République, fera plus pour l'intégration que tous vos contrats, vos stages et vos autorités de lutte contre la discrimination réunis. Quant au taux de fécondité français actuel, même porté à deux enfants par femme, il ne permet pas de renouveler les générations.
Certes, il appartient à la France de définir sa politique d'immigration. Mais encore faut-il que celle-ci ait d'autres finalités qu'idéologiques et quelque chance de réussir. Le distinguo entre migration économique et pour raisons familiales est moins évident que vous ne le pensez. 70 % des migrants familiaux travaillent, dont 50 % après six mois de présence sur notre territoire. Ainsi, le Canada classe dans la même catégorie les migrants économiques et leur famille. A mode de calcul identique, ils représentent dans ce pays un peu plus de 21 % du total des migrants, avec un flux migratoire double du nôtre. On est donc loin des 50 % que le Gosplan migratoire présidentiel vous a fixés pour objectif, monsieur le ministre !
L'immigration choisie, ce n'est pas celle que nous choisirons, mais celle de ceux qui nous choisiront, et qui iront là où ils seront accueillis correctement avec leurs familles, pourront se loger, étudier et travailler dans de bonnes conditions et où on ne les prend pas pour des délinquants potentiels. Penser pouvoir recueillir la crème du flux migratoire en le faisant aigrir avec la levure des obstacles administratifs et des pratiques vexatoires est un non-sens.
Les flux de ceux que vous considérez comme indésirables sont faibles. Sur les 94 000 autorisations de séjour délivrées en 2005 au titre du regroupement familial, la moitié concerne des conjoints de Français et il n'y a que 8 600 enfants. Alors, pourquoi risquer de ternir notre image de patrie des droits de l'homme à l'étranger ? Uniquement par stratégie électorale.
Entre un texte relatif à la délinquance et un autre sur les chiens dangereux, ce texte n'est là que pour rappeler aux Français qu'il y a une « question immigrée » et un gouvernement qui les protège. Il contient des dispositions inutiles ou inapplicables, sources de contentieux, de provocations ou de mesquineries -avec notamment les tests génétiques ou la suppression de la possibilité pour les conjoints de Français d'obtenir en France un visa long séjour. Cette loi n'est pas faite pour apporter durablement une réponse à une vraie question, mais pour entretenir la confusion et l'inquiétude qui mobiliseront « du temps de cerveau rendu disponible ». (On apprécie sur les bancs socialistes)
Comment définir l'intégration et le respect des valeurs de la République ? Un artiste, qui vit des Français mais qui vit de l'autre côté de la frontière pour échapper à l'impôt, fait-il preuve d'intégration ? (Rires et applaudissements à gauche) Et la laïcité signifie-t-elle « l'acceptation du fait religieux dans l'espace public », comme l'a définie Jean-Paul II ou telle qu'elle est pratiquée dans les départements français concordataires ? Quels sont les principes républicains qui doivent régir la vie familiale ?
Un point est clair : plusieurs dispositions de la législation sur l'immigration ne respectent pas la Convention européenne des droits de l'homme, notamment son article 13, qui définit le droit à un recours effectif devant les autorités nationales en cas de violation de droits protégés par la Convention, et son article 6, qui précise le droit à un procès équitable. La limitation du bénéfice du recours suspensif aux seuls demandeurs d'asile, la brièveté des délais de recours, le risque d'un jugement par ordonnance, les conditions matérielles de l'exercice de la justice en zone de police et celles de la préparation de la défense permettent de penser que l'arrêt Gebremedhin ne sera pas la dernière condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l'homme. (Brigetoun : quand les médias se décideront-ils à communiquer aux français, fiers d'être "le pays des droits de l'homme" des informations sur ces condamnations ?)
Qui aurait pensé qu'en France la « question immigrée » aurait un jour son ministère, qui plus est chargé de veiller sur l'identité nationale ? Cela se dit, dans un langage politiquement correct, « adopter une politique d'immigration volontariste pour renforcer la cohésion de notre société ». Selon vous, l'immigration d'aujourd'hui dessinerait le visage du pays dans plusieurs années.
Vous estimez que notre système d'intégration a fait faillite -c'est la saison... (rires à gauche)- ou a, plus exactement, « globalement échoué ». Pourtant, à regarder les chiffres, on se demande où est l'urgence à modifier, en urgence et pour la soixante-douzième fois, l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative aux droits d'entrée et de séjour des étrangers en France. Et la soixante et onzième modification a moins de quinze mois.
Selon Eurostat, les non-nationaux représenteraient 5,6 % de la population française. Un peu plus qu'en Italie (3,4 %), en Grande-Bretagne (4,7 %) ou en Suède (5,3 %), mais moins qu'en Allemagne (8,9 %), en Belgique (8,3 %) ou en Espagne (6,6 %). Nous sommes dans la moyenne. Ramenés à la population, c'est en France que les flux d'entrée sont les plus faibles parmi les grands pays développés : 0,34 % en 2004, contre 1,62 % en Espagne, 0,94 % en Allemagne, 0,87 % en Grande-Bretagne, etc. Nous ne sommes pas loin du taux japonais, pays pourtant peu favorable à l'immigration. On cherche la vague migratoire susceptible d'emporter notre identité nationale comme un château de sable... Selon Eurostat, entre 1990 et 2000, le nombre de nationaux français a augmenté de 2,5 millions et celui des étrangers a baissé de 330 000, évolution exceptionnelle en Europe.
La concentration des immigrés dans quelques régions, le niveau de chômage qui les frappe seraient la marque de l'échec de notre modèle d'intégration. Ils résultent plutôt de l'absence d'une politique d'aménagement du territoire et d'une politique économique qui a délibérément sacrifié l'emploi à la rente. Les immigrés ne sont pas plus concentrés que les cadres et professions intellectuelles supérieures dont 40 % résident en Ile-de-France. Leurs taux d'activité sont comparables à ceux des nationaux.
Un taux de croissance de 3 %, ce qui semble être l'objectif du Président de la République, fera plus pour l'intégration que tous vos contrats, vos stages et vos autorités de lutte contre la discrimination réunis. Quant au taux de fécondité français actuel, même porté à deux enfants par femme, il ne permet pas de renouveler les générations.
Certes, il appartient à la France de définir sa politique d'immigration. Mais encore faut-il que celle-ci ait d'autres finalités qu'idéologiques et quelque chance de réussir. Le distinguo entre migration économique et pour raisons familiales est moins évident que vous ne le pensez. 70 % des migrants familiaux travaillent, dont 50 % après six mois de présence sur notre territoire. Ainsi, le Canada classe dans la même catégorie les migrants économiques et leur famille. A mode de calcul identique, ils représentent dans ce pays un peu plus de 21 % du total des migrants, avec un flux migratoire double du nôtre. On est donc loin des 50 % que le Gosplan migratoire présidentiel vous a fixés pour objectif, monsieur le ministre !
L'immigration choisie, ce n'est pas celle que nous choisirons, mais celle de ceux qui nous choisiront, et qui iront là où ils seront accueillis correctement avec leurs familles, pourront se loger, étudier et travailler dans de bonnes conditions et où on ne les prend pas pour des délinquants potentiels. Penser pouvoir recueillir la crème du flux migratoire en le faisant aigrir avec la levure des obstacles administratifs et des pratiques vexatoires est un non-sens.
Les flux de ceux que vous considérez comme indésirables sont faibles. Sur les 94 000 autorisations de séjour délivrées en 2005 au titre du regroupement familial, la moitié concerne des conjoints de Français et il n'y a que 8 600 enfants. Alors, pourquoi risquer de ternir notre image de patrie des droits de l'homme à l'étranger ? Uniquement par stratégie électorale.
Entre un texte relatif à la délinquance et un autre sur les chiens dangereux, ce texte n'est là que pour rappeler aux Français qu'il y a une « question immigrée » et un gouvernement qui les protège. Il contient des dispositions inutiles ou inapplicables, sources de contentieux, de provocations ou de mesquineries -avec notamment les tests génétiques ou la suppression de la possibilité pour les conjoints de Français d'obtenir en France un visa long séjour. Cette loi n'est pas faite pour apporter durablement une réponse à une vraie question, mais pour entretenir la confusion et l'inquiétude qui mobiliseront « du temps de cerveau rendu disponible ». (On apprécie sur les bancs socialistes)
Comment définir l'intégration et le respect des valeurs de la République ? Un artiste, qui vit des Français mais qui vit de l'autre côté de la frontière pour échapper à l'impôt, fait-il preuve d'intégration ? (Rires et applaudissements à gauche) Et la laïcité signifie-t-elle « l'acceptation du fait religieux dans l'espace public », comme l'a définie Jean-Paul II ou telle qu'elle est pratiquée dans les départements français concordataires ? Quels sont les principes républicains qui doivent régir la vie familiale ?
Un point est clair : plusieurs dispositions de la législation sur l'immigration ne respectent pas la Convention européenne des droits de l'homme, notamment son article 13, qui définit le droit à un recours effectif devant les autorités nationales en cas de violation de droits protégés par la Convention, et son article 6, qui précise le droit à un procès équitable. La limitation du bénéfice du recours suspensif aux seuls demandeurs d'asile, la brièveté des délais de recours, le risque d'un jugement par ordonnance, les conditions matérielles de l'exercice de la justice en zone de police et celles de la préparation de la défense permettent de penser que l'arrêt Gebremedhin ne sera pas la dernière condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l'homme. (Brigetoun : quand les médias se décideront-ils à communiquer aux français, fiers d'être "le pays des droits de l'homme" des informations sur ces condamnations ?)
Désormais, ce n'est plus l'administration qui, s'appuyant sur des textes clairs et des règles incontestables, règle le gros des affaires, les organes juridictionnels s'occupant de l'exception, c'est le contentieux qui est devenu le mode normal de régulation des flux migratoires. Or, des hommes, des femmes, des enfants bien concrets sont l'enjeu de ces stratégies tordues. (Protestations à droite) Les Français ayant un conjoint étranger viennent nous dire dans nos permanences leur angoisse d'être séparés, de vivre avec la peur de voir l'autre arrêté, l'infinie attente d'un visa qui permettra, enfin, de se retrouver. Je pense à tous ceux dont vous allez alourdir les peines au nom d'un faux pragmatisme. Personne n'a le monopole du coeur ; montrez-le nous, monsieur le ministre.
outre l'hébergement, on peut ajouter : les conditions de ressources (beaucoup de français doivent survivre avec moins), le rattachement de l'OLPRA au nouveau ministère (pas d'amalgame surtout !), le fichier génétique.
cerise sur le gâteau : le ministre a annoncé que les modifications constitutionnelles permettant d'instaurer des quotas (permettant notamment de mieux répartir géographiquement les "flux") était à l'étude
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