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Lieu : Avignon, Vaucluse, France

mercredi 16 avril 2008

MODERNISATION DU MARCHÉ DU TRAVAIL

Assemblée nationale- mardi 15 avril 2009 (très très vide)

Monsieur Roland Muzeau
– motion d’irrecevabilité
……Sous l'effet des départs en retraite et de la gestion administrative des catégories de demandeurs d'emploi, le chômage semble baisser, mais la faiblesse de notre croissance et la réduction du coût du travail conduisent à une segmentation du marché du travail. Michel Husson, économiste à l'Institut de recherches économiques et sociales, observe ainsi que nous avons changé de modèle économique : désormais il y a d’un côté les « bons emplois » bien payés, et de l'autre des emplois précaires et peu rémunérés, comme les services à la personne, qui représentent le tiers des emplois créés en 2007.
Sans sourciller, vous appliquez les mêmes recettes, texte après texte. Vous prétendez que la flexicurité est une avancée considérable, mais elle n'est pas aussi consensuelle que vous le croyez : la Confédération européenne des syndicats craint notamment qu’elle revienne à instaurer un permis de licencier plus facilement et des formes de travail plus précaires. De votre côté, vous n'apportez aucune preuve de l'efficacité des outils consacrés par l’ANI face au chômage des jeunes et des seniors, au tassement des salaires et à la déclassification de l'emploi. Vous vous contentez de prendre pour modèle un pays avec lequel nous n'avons rien de comparable, le Danemark, dont la population active est 10 fois moins importante que la nôtre, qui dépense 2,7 fois plus que la France pour chaque chômeur et s’appuie sur un secteur public très développé.
Comme l’observe l’économiste Robert Boyer, le système danois repose sur trois piliers indissociables : une forte flexibilité des règles d'embauche et de licenciement, une indemnisation généreuse du chômage et une politique active de l'emploi. « La flexibilité, ajoute-t-il, ce sont des règles, mais aussi un état d'esprit. »
En guise de règles, le Gouvernement souhaite uniquement le plus de flexibilité possible, et avec la réduction des dépenses sociales, la politique active de l'emploi passe à la trappe. Quant au changement d'état d'esprit, il est bien incertain… Mais rien de tout cela ne vous ébranle, car vous pensez qu’un droit du travail trop protecteur serait un obstacle au droit au travail. La libéralisation du droit du licenciement et l’individualisation des relations de travail ne peuvent que satisfaire les libéraux que vous êtes…
Les ultras regretteront seulement que Nicolas Sarkozy ait dû battre en retraite sur sa proposition du contrat de travail unique, qui aurait généralisé la période d'essai de deux ans du CNE, durant laquelle tout était possible. Le nouveau « super CDD », le contrat de mission, pourrait toutefois ressembler à certains égards à ce qu'aurait pu être le contrat unique.
Certains d’entre vous déploreront peut-être le caractère trop light des énièmes assouplissements que ce texte apporte au droit des contrats de travail. D’autres pourraient même transgresser la consigne gouvernementale et amender le projet de loi pour supprimer la seule véritable avancée qu’il offre aux salariés : la disparition définitive du contrat « nouvelles embauches » et sa requalification automatique en CDI, ce que la CGPME, relayée par M. Tian, trouve totalement inadmissible.
Mais vous vous retrouverez tous pour vanter la supposée modernité de la rupture négociée du contrat de travail, concession des organisations syndicales signataires de l'ANI. D'une seule voix, vous voterez un texte que vous qualifiez d'historique, non parce qu'il est la transcription d'un accord national interprofessionnel et que vous vous êtes convertis au dialogue social, mais parce qu’il porte la marque d'une rupture idéologique. Comme l’a observé Jean-Emmanuel Ray, professeur de droit à la Sorbonne, cet accord donnant-donnant et d'égal à égal signifierait que le vieux droit du travail destiné à protéger le collectif ouvrier, décrit par Dickens ou Zola, est désormais dépassé. Promu l'égal de l'employeur, le collaborateur du IIIe millénaire pourrait négocier lui-même tout ce qui le concerne. …..
Dans la foulée de la position commune adoptée le 16 juillet 2001 et du rapport de Virville, ce texte contribue en outre à déplacer les équilibres institutionnels, à alléger l'impératif légal, à réduire à sa plus simple expression le rôle de l'État, et de facto à consacrer la thèse du contrat libérateur, toutes évolutions que nous sommes très loin de partager.
………À supposer que l’initiative des négociations soit effectivement revenue aux partenaires sociaux, rappelons tout de même que si Mme Parisot a repris la main, c’est pour éviter que les gouvernements et plus globalement les politiques n’interviennent dans la sphère économique. La feuille de négociation était loin d’être blanche. « Nous ne nous faisons aucune illusion sur la difficulté de ces négociations, soulignait le leader de la CFDT, d’autant que les documents d’orientation du Gouvernement sont quelque peu directifs. » Impossible de faire comme si les négociations n’avaient pas eu lieu sous l’influence du MEDEF, portées par le candidat vainqueur de l’ultra-libéralisme tapi en embuscade, avec la menace permanente et annoncée d’une intervention législative plus dure. Tous les syndicats signataires ont admis avoir accepté un texte de large compromis, en espérant « limiter la casse ». Cessons donc ce jeu de dupes. Ayez au moins la rigueur intellectuelle d’une journaliste du Figaro pour reconnaître que l’enjeu très politique de la représentativité syndicale a pesé dans la balance au moment où certains syndicats ont dû signer. Assumez le fait que Nicolas Sarkozy a fixé les règles du jeu, contraint les syndicats à une obligation de résultat afin d’assurer un avenir sans vagues à ses projets communs avec le MEDEF……
…..Pour fluidifier le marché de l’emploi, le Gouvernement cherche à rendre plus flexibles les règles d’embauche et de licenciement, oubliant en retour les protections nouvelles nécessaires pour les salariés. Et si le prétendu gagnant-gagnant de la flexicurité n’était qu’un leurre ? Nous savons déjà que les bénéficiaires de minima sociaux, fortement incités à reprendre une activité, ne verront pas comme promis le RSA généralisé. Par ailleurs, il était déjà possible de sanctionner un chômeur et de l’avis même du directeur général de l’UNEDIC, « le débat est mal posé », les emplois non pourvus réclamant pour la plupart des salariés qualifiés, voire très qualifiés. De Cahors, le Président de la République nous a dit son souhait de renforcer la chasse aux chômeurs et a indiqué qu’un texte serait présenté prochainement tirant les conséquences pour un chômeur qui aura refusé deux offres dites raisonnables d’emploi. Le quotidien Les Échos précisait hier ce qu’il fallait entendre par là : après six mois de chômage, le demandeur d’emploi devra accepter toute offre ne requérant pas plus de deux heures de transport par jour et rémunérée au moins 70 % de son salaire antérieur. Cette grille élyséenne de définition de l’offre raisonnable d’emploi pèsera lourd en mai prochain lors de l’ouverture de la renégociation du dispositif d’assurance chômage. Dans ce contexte idéologique, il est à craindre que les syndicats, du moins ceux qui le souhaiteront, peineront à obtenir une amélioration de l’indemnisation du chômage. Dans ces conditions, vous osez invoquer l’autonomie des partenaires sociaux et parler de pratiques sociales nouvelles !
Concernant l’accompagnement et la formation des demandeurs d’emploi, clé de voûte du système de flexicurité danois dont vous prétendez vous inspirer, l’heure est hélas aux coupes claires dans les budgets. Un rapport sénatorial préconise même de supprimer l’obligation légale pour l’employeur de consacrer 0,9 % de la masse salariale au plan de formation des salariés et fait de l’individualisation des droits à formation une priorité, au risque de faire reposer sur chaque salarié la responsabilité, y compris financière, de sa formation.
Autant d’éléments qui rendent bien aléatoires les prolongements de l’ANI sur la flexicurité signé le 11 janvier 2008. Certes, et vous ne manquerez pas d’utiliser cet argument, l'ANI prévoit la portabilité de certains droits attachés au salarié et plus seulement au contrat de travail comme le droit à la formation ou à la complémentaire santé... Ces quelques avancées sont toutefois loin de constituer la protection sociale du salarié du XXIe siècle. Elles n'épuisent absolument pas l'exigence portée par les syndicats, dont la CGT, d'élaborer un nouveau statut du travail salarié reconnaissant à chacun des droits opposables et transférables tout au long de son parcours professionnel……..
…De quoi parle donc cet accord et le projet de loi le traduit-il fidèlement ? L'ANI, c'est l'assurance de périodes d'essai à rallonge, d'un nouveau mode de rupture à l'amiable du contrat de travail et d’un nouveau CDD – le trente-huitième ! –, à objet précis celui-là. Trois domaines dans lesquels on remet en cause le droit du travail pour les salariés.
…..
Mme Martine Billard
….L’accord sur la formation traduisait en effet une volonté commune des partenaires sociaux et avait été signé par l'ensemble des confédérations représentatives. Par contre, l’accord du 11 janvier répond à une mise en demeure du Président de la République fixant les objectifs politiques, le contenu et les échéances et délégant aux syndicats la mise en musique. Le processus s’est en outre déroulé sous la pression permanente du Gouvernement, en accord avec le patronat, et sous la menace d'une loi pire en cas de désaccord. En droit civil, la signature d'un contrat sous contrainte entache le contrat d'un vice du consentement qui entraîne sa nullité…..
Et il est assez piquant de voir que le MEDEF et le Gouvernement, qui n'ont à la bouche que l'expression « le contrat plutôt que la loi », utilisent le Parlement pour tenter de faire passer en force des dispositifs que la négociation n’a jamais validés. Je pense notamment à l'allongement des périodes d'essai ou au contrat à objet défini, défendus avec une insistance notable par le syndicat patronal Syntec, dans le domaine de l’informatique. Faute d'être sorti vainqueur des négociations précédentes, le patronat a su trouver l'oreille du Gouvernement pour arriver à ses fins !
Vous accentuez la flexibilité sans apporter dans la loi des éléments de sécurisation probants. Je rappelle notamment que l’article 14 de l’accord – relatif à la portabilité des droits et à la possibilité d’indemniser les chômeurs de moins de 25 ans – n’a fait l’objet d’aucune transposition.
Vous réussissez à faire passer en une seule loi trois des revendications majeures du patronat : l’allongement de la période d'essai, la rupture conventionnelle du contrat de travail et la création du contrat de mission. Alors que vous vous plaisez à répéter que les accords nés de la négociation doivent l’emporter sur la loi, vous inscrivez dans la loi des dispositions conventionnelles qui convenaient à tout le monde ! La durée des périodes d’essai était gérée dans des accords de branche depuis des décennies et personne n’y trouvait à redire. Mais il est vrai qu’il est plus facile de modifier un article de loi pour complaire au patronat que de renégocier l’ensemble des accords de branche…
L’article premier dispose que le CDI est la forme normale de la relation du travail. L'ANI retenait pour sa part une formule plus précise : « forme normale et générale ». Votre rédaction traduit donc une fausse avancée car poser une telle affirmation pour mieux introduire, dans la suite du texte, un contrat précaire supplémentaire – le contrat à objet défini – relève pour le moins d'une certaine perversion.
L'article 2 procède à la codification législative de la période d'essai, laquelle relevait exclusivement des conventions collectives de branche. Les batailles contre le CPE et les CNE, qui prévoyaient des périodes d'essai de deux ans sans obliger l'employeur à motiver le licenciement, sont passées par là ! Cette codification revient à introduire de force un allongement d'un mois des durées d'essai et des renouvellements pour toutes les catégories. Autre incongruité : vous disposez que la période d’essai ne pourra être inférieure à la durée maximale inscrite dans la loi. Jusqu’à présent, la notion de maximum induisait qu’une fourchette était possible entre plancher et plafond.
L'article 3 transpose une petite avancée : dorénavant c'est après un an d'ancienneté – contre trois aujourd’hui – qu'un salarié en arrêt maladie pourra prétendre au bénéfice de l'indemnité conventionnelle complémentaire de celle de l'assurance maladie. C'est effectivement un acquis de l'accord interprofessionnel pour les branches qui n'avaient pas cette durée, mais l'ANI prévoyait aussi que toutes les périodes de travail accomplies dans la même entreprise étaient prises en compte pour le calcul de l'ancienneté. Et c'est fondamental à une époque où, malheureusement, l'entrée en entreprise s'effectue souvent par l'intermédiaire de CDD. Avec la restriction du texte de loi sur l'accord, les CDD effectués dans l'entreprise préalablement à l'embauche ne seront pas pris en compte. Et les nouveaux contrats à objet défini, non plus ! Si le Gouvernement campe sur sa position, cela ouvrira de nouvelles possibilités de contournement aux entreprises.
L'article 4 réécrit les articles du code sur les licenciements en alignant le régime des licenciements pour motif personnel et ceux pour motif économique. Conformément à l'ANI, le texte ramène l’obligation de présence dans l'entreprise de deux ans à un pour avoir droit aux indemnités de licenciement. Parallèlement, sous prétexte de rationaliser les dispositifs, le texte plafonne ces indemnités en supprimant la majoration au-delà de 10 années d'ancienneté, en cas de licenciement économique. Votre avancée est donc compensée par un nouveau recul.
Cet article prévoit aussi la réduction du délai de dénonciation du solde de tout compte. Or la législation prévoit qu'en cas de licenciement économique, toute embauche dans l'année qui suit doit être proposée en priorité aux salariés licenciés. Si réduction il devait y avoir, il serait apparu plus logique de la maintenir à 12 mois au moins pour qu'un salarié qui espère être réembauché puisse attendre la forclusion de ce délai avant d'attaquer son reçu du solde de tout compte.
L'article 5 introduit la rupture conventionnelle. Ce dispositif qui veut instaurer une troisième voie entre le licenciement et la démission se base sur l’égalité supposée de la relation entre l'employeur et l'employé. C'est nier la spécificité de la relation de travail qui justifie précisément l'existence d'un code du travail distinct du code civil. Sans doute s’agit-il une fois encore d’une forme de revanche du patronat et du Gouvernement suite aux échecs du CPE et du CNE, puisque la « rupture conventionnelle » introduit une possibilité de licenciement sans motif. Quelles que soient les intentions des parties, l'employeur libre est plus libre que le salarié libre ! Et l’on ne peut faire croire au salarié qu’il peut négocier dès à présent des ruptures conventionnelles alors que le dispositif n’est pour l’heure entouré d’aucune garantie. Nous devrons y revenir dans le débat, de sorte que le Gouvernement amende sa position pour éviter de créer des situations catastrophiques.
Autre motif de déséquilibre du dispositif, il n’est tenu compte à aucun moment du climat plus ou moins défavorable à la signature d'un tel contrat « amiable » de rupture de la relation de travail. Peut-on imaginer que, dans une entreprise où sont avérées des discriminations ou des situations de harcèlement, le climat soit propice à la négociation « libre et non faussée » d'une rupture conventionnelle ? ……..

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