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Lieu : Avignon, Vaucluse, France

samedi 24 janvier 2009


Benoit Hamon interrogé par Démocratie et Socialisme

Démocratie & Socialisme : “Game is over” as tu déclaré au terme du dernier CN du Parti socialiste, signifiant qu’il fallait tirer la conclusion du congrès de Reims et travailler.
Comment, toi qui y participe centralement, ça se passe dans la nouvelle direction ? Quels sont les points forts, positifs, et quelles sont les principales difficultés à surmonter ?
Benoît Hamon :Je pense que ce congrès a agi comme une catharsis. Pour la première fois depuis près de 15 ans notre parti a changé de majorité. Alors oui pendant deux mois nous avons montré aux Français une image de nous qui n’était pas belle, mais il faut maintenant tourner la page et mettre en oeuvre les orientations choisies par les militants socialistes : nous opposer résolument à la droite et retrouver un temps d’avance pour préparer notre retour au pouvoir en 2012.
Nous dirigeons le parti socialiste dans un contexte ou concrètement les choses vont de plus en plus mal en France.
Pourtant, petit à petit les socialistes redeviennent audibles et nous nous remettons collectivement au travail. Le travail de nos groupes parlementaire porte de nouveau ses fruits. Qu’il s’agisse de la bataille contre le travail le dimanche, de notre opposition à la loi sur l’audiovisuel public ou de la défense du rôle du parlement, les Français voient de nouveaux des socialistes combatifs et pugnaces.
Sur le terrain social également le parti socialiste a retrouvé de la voix. Notre présence dans les manifestations contre la privatisation de la poste, contre la casse de l’hôpital public, contre la baisse intolérable des moyens dans l’éducation nationale et aux cotés des salariés qui sont les premières victimes de la crise économique montre que les choses changent au PS.
Alors bien sur, il s’exerce des résistances aux changements. Pour certains, tourner la page du congrès ce devrait être « tout recommencer comme avant ». La crédibilité tient à l’audace et au volontarisme de nos solutions et pas à l’expression du moins disant politique.
Nous devons donc être vigilants et exigeants. C’est à cela que je m’emploie au quotidien au sein de la direction avec tous les nouveaux secrétaires nationaux issus de notre motion.
D&S : Une des premières déclarations de toi, qui a marqué, en tant que nouveau porte parole, c’est l’affirmation qu’il faut un contrôle sur les licenciements, qu’on ne peut laisser les entreprises bénéficiaires licencier de façon abusive, pour convenance boursière. Peux tu nous en dire plus ?
B H : Face aux gesticulations médiatiques du président de la république, les socialistes doivent prendre des initiatives et alimenter le débat public. Nous devons dire ce que nous ferions si nous étions, nous, en responsabilité. En disant que j’étais favorable à une forme de contrôle de la puissance publique sur les licenciements, j’ai pris une initiative politique qui a permis aux socialistes d’être au coeur débat public. C’est l’une des propositions qui a suscité la plus vive opposition du gouvernement. Pour moi c’est bon signe. Cela montre que nous pouvons bousculer la droite.
Nous nous apprêtons à présenter notre contre plan de relance. Je souhaite pour ma part que cette question du contrôle public des licenciements soit au coeur de nos propositions.
Il faut que le PS se prononce en faveur d’un mécanisme de pénalité financière qui dissuade une entreprise qui réalise des bénéfices de mettre en oeuvre un plan social.
Bien entendu, cette réflexion doit être menée en lien avec les organisations syndicales, c’est la raison pour laquelle, dès notre arrivée à la direction du parti, nous avons rencontré l’ensemble des directions syndicales pour aborder les grands sujets sociaux, dont l’emploi.
D&S : La politique de Sarkozy est oppressante par sa violence anti sociale permanente. Comment tu ressens et apprécies le climat social à la veille de ce 29 janvier ou, pour la première fois, les 8 syndicats unis appellent à la fois a la grève et a manifester, pour des revendications salariales et pour l’emploi ?
B H : La France est une poudrière. La politique de Nicolas Sarkozy depuis son arrivé à l’Elysée consiste à dresser les Français les uns contre les autres et à désigner des « nouvelles classes dangereuses ». Les uns après les autres, ce sont les salariés, les jeunes, les retraités, les malades, les artistes, les fonctionnaires, qui ont été stigmatisés par le Président de la République.
Nicolas Sarkozy s’emploie méthodiquement à remettre en cause tous les contre-pouvoirs. Aucun domaine n’est épargné : Il s’attaque aux contre-pouvoirs politique, avec la remise en cause des droits de l’opposition, aux contre pouvoirs sociaux, avec la mise en place du service minimum et la criminalisation de militants syndicaux voire de simples manifestants. Aux contre-pouvoirs médiatiques, avec la loi sur l’audiovisuel public et le rachat par des proches de grands journaux. Enfin, il affaiblit dernièrement le pouvoir Judiciaire, en supprimant le juge d’instruction.
Dans toutes les mobilisations auxquelles je participe les gens en ont ras le bol. Ils se sentent méprisés et atteints dans leurs droits les plus profonds.
Je souhaite que le 29 janvier soit un temps social fort. Le fait que les syndicats soient unis est un signe qui ne trompe pas et qui je l’espère interpellera la gauche politique.
A leur niveau, je souhaite que les socialistes se donnent les moyens de relayer dans la rue et dans l’opinion cette exaspération et de participer ainsi au succès de cette mobilisation.
Le gouvernement et le Président de la République prendraient un risque majeur à ne pas entendre ce malaise social. Jusqu’ici le gouvernement a jonglé avec des mouvements sociaux successifs. Aujourd’hui ce sont toutes les catégories qui vont mal en même temps. Il n’y a pas de réponse sérieuse à cette crise sans solution à la compression des revenus salariaux, constatée dans notre pays depuis 20 ans.
D&S : 2009 est aussi année électorale en Europe : à l’heure de la crise financière sans précédent du capitalisme, de ses ravages économiques et sociaux, quel type d’Europe faut-il que nos listes socialistes défende ?
B H : La crise que nous vivons, qui s’est étendue de la sphère financière vers l’économie réelle, montre assez les limites du capitalisme et du néo-libéralisme tant au niveau national, qu’au niveau européen. De ce point de vue, la présidence française de l’Union se termine sur un constat d’échec. Aucune politique concertée au niveau européen n’a permis de limiter les effets sociaux de la crise. Les citoyens de l’Union voient leur pouvoir d’achat dramatiquement réduit. Alors qu’une réponse forte et coordonnée au niveau européen, notamment la baisse de la TVA, aurait permis de réduire les effets immédiats et dans la durée de la crise financière, les gouvernements de droite de la majorité des états membres ont fait une nouvelle fois la preuve de dogmatisme.
Là ou Barack Obama annonce un plan de relance de prêt de 1000 milliards de dollars avec des mesures ciblés pour les salariés, là où la Chine va injecter 560 milliards de dollars, la Russie 120 milliards de dollars, les réponses apportées en ordre dispersé, sont très en deça de la masse critique nécessaire pour relancer l’économie européenne.
Pour les socialistes, il est clair que Union Européenne conçue exclusivement comme l’instrument d’une libéralisation du marché intérieur, a vécu.
Nos listes devront défendre une nouvelle fois l’émergence d’une Europe sociale Cela passera par un important effort d’encadrement et de régulation du marché et des échanges commerciaux et un véritable contrôle politique sur les grandes institutions économiques (Banque Centrale Européenne, ...). Et au-delà, par la poursuite ou la mise en œuvre de chantiers essentiels, tels que la promotion du service public par le biais d’une directive-cadre, la mise en place d’un salaire minimum européen, l’harmonisation fiscale ou encore la réduction du temps de travail pour ne citer que quelques exemples importants.

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