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Lieu : Avignon, Vaucluse, France

vendredi 10 septembre 2010

Assemblée - deuxième séance du 7 septembre

Roland Muzeau (PCF) renvoi en commission

N’en déplaise aux néo-libéraux que vous êtes, shootés à un individualisme toujours ennemi de 1’égalité et de la solidarité, la France est en mesure d’assurer collectivement une retraite et un revenu décents à ses aînés. Nous devons aujourd’hui ambitionner pour les plus jeunes un projet autrement porteur que votre « épargnez pour votre avenir ! » C’est une question de choix politique....

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Des millions de manifestants vous ont interpellés. Plus nombreux encore, des millions de grévistes vous interrogent. Vous les méprisez !...

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Nous avons conscience qu’il est nécessaire, qu’il est indispensable, de repenser la protection sociale en général, affaiblie par la dégradation du statut de l’emploi, l’enracinement de la précarité et de la pauvreté qui résultent de ce capitalisme au nouveau visage de capitalisme de casino.

Nous mesurons les besoins structurels et conjoncturels de financement de nos régimes de retraite, plombés par la crise. Si les 680 000 suppressions d’emploi des 18 derniers mois pèsent effectivement lourd dans les comptes des régimes, en multipliant par trois les besoins de financement, notre système de retraite est surtout asséché par le refus des gouvernements de droite d’augmenter les ressources des régimes, par les désastreux choix de politiques économiques et de l’emploi de ces mêmes gouvernements, qui conduisent à ce que la part des produits financiers dans la valeur ajoutée des entreprises soit désormais près de deux fois supérieure à celle des cotisations sociales.

Nous mesurons la perte de confiance dans notre système de retraite des deux tiers des moins de 35 ans qui pensent qu’ils n’auront pas de retraite confortable, tandis que d’autres souffrent de la chute du niveau des pensions, une chute de 13 % en moyenne pour les salariés du privé....

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Denis Kessler, président du cinquième groupe réassureur mondial, défend une réforme systémique de nos régimes de retraite avec l’instauration d’un régime unique par points misant sur la responsabilité individuelle et la réduction au minimum du système de solidarité collective. Écoutez-le bien, car c’est, à droite, votre maître à penser !

« Le modèle social français, dit-il, est le pur produit du Conseil national de la Résistance. Un compromis entre gaullistes et communistes. Il est grand temps de le réformer, et le Gouvernement s’y emploie…

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À l’inverse, nous pensons que notre modèle social, né au sortir de la guerre, avec ses mécanismes de solidarité protégeant les individus contre les risques sociaux, loin d’être désuet, a justement permis le développement d’une société moderne et que ce modèle garde toute son actualité.

Cette « garantie donnée à chaque homme qu’en toutes circonstances il pourra assurer dans des conditions satisfaisantes sa subsistance », objet de la sécurité sociale selon Pierre Laroque, cette reconnaissance de droits sont autant de supports indispensables à la construction de l’existence sociale de chacun. Sans cette solidarité entre les générations, il n’y a plus de pacte social ni de garantie que demain sera meilleur qu’aujourd’hui. Plus d’adhésion possible à un projet, aux règles communes indispensables au vivre ensemble, plus de contrat social....

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Ironie de l’histoire, au plus fort de la crise du capitalisme financier, ceux qui, hier, accusaient le modèle français d’être un frein à la croissance et à l’emploi, ont redécouvert comme par miracle ses vertus et son efficacité. Les critiques se sont faites moins ouvertes contre l’État social, contre notre système de protection sociale. ... Les mois ont passé, cette réalité semble déjà oubliée.

La patronne des patrons a regretté, après la présentation du texte par le Gouvernement, qu’il « n’ait pas prévu la piste d’un nouveau dispositif de retraites intégrant une part de capitalisation très incitatif, voire obligatoire »..... Entendue par le chef de l’État sur le « verrou » de l’âge légal, il se pourrait bien que Mme Parisot le soit aussi sur les mécanismes individuels, un volet épargne retraite assez conséquent ayant déjà été adjoint au texte par la majorité dans le cadre de la commission des affaires sociales – versement obligatoire sur le PERCO, soit le plan d’épargne pour la retraite collectif, d’au moins la moitié des sommes perçues par un salarié au titre de la participation aux résultats de l’entreprise. Et cet après-midi, la commission des affaires sociales en a rajouté une grosse louche…

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Dans un livre vert sur les retraites, intitulé Vers des systèmes de retraite adéquats, viables et sûrs en Europe, publié en juillet dernier, la Commission européenne, qui souhaite ouvrir un débat européen sur le sujet, recommande de traiter de façon coordonnée certains thèmes communs, dont le fonctionnement du marché intérieur, les exigences résultant du Pacte de stabilité et de croissance, ainsi que les réformes des retraites qui doivent être cohérentes avec la stratégie « Europe 2020 ». Pour consolider le marché des retraites, il n’est ni plus ni moins envisagé que le développement des régimes complémentaires et d’une offre assurantielle individuelle pour les travailleurs, l’instauration d’un régime de retraite privé à l’échelle des vingt-sept coexistant avec les systèmes nationaux.

C’est dans ce contexte que, surfant sur les conséquences de la crise du système capitaliste et sur les sommets atteints par la dette – multipliée, rappelons-le tout de même, par trois depuis 2002 suite aux choix fiscaux et économiques de classe des gouvernements de droite –, le Gouvernement a choisi de précipiter ce rendez-vous retraites et décidé de son contenu brutal et des sacrifices supplémentaires exigés des salariés et des fonctionnaires.

Pour conserver le triple AAA des agences de notation, baromètres actifs de la financiarisation, le Président de la République s’est encore une fois parjuré. ..... Nos choix sociaux, la gestion de notre pays, les économies à réaliser sont désormais ouvertement dictés par les agences financières avec la complaisance des gouvernements...

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Dans l’entourage présidentiel, on joue de cette confusion entre dépenses publiques et dépenses de sécurité sociale, et on assume désormais très ouvertement. « L’affaire des retraites est plus lourde que le problème du déficit de l’État » dit Alain Minc, un proche conseiller. « Aujourd’hui la politique économique française est accrochée à un principe : ne pas perdre le triple A... que nous donnent les agences de notations et, de ce point de vue, la réforme des retraites est clé, plus clé encore que les affaires budgétaires. »

Ces propos ont le mérite de la clarté, la motivation présidentielle de réformer les retraites par-delà l’affichage de circonstance de « sauvegarde de la répartition » se résume à la diminution des dépenses sociales et à la réduction des droits.

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Pourquoi avoir posé comme postulat, sous couvert toujours de sauvegarder la compétitivité des entreprises, l’impossibilité d’augmenter les ressources des régimes de retraite ? Pourquoi avoir bloqué pour l’avenir à 13 % la part que représentent les prestations vieillesse dans le PIB, si ce n’est parce que, justement, le Gouvernement refuse d’aborder la question de la répartition des richesses dans notre pays ?

Vous savez pourtant que seule une meilleure répartition de la valeur ajoutée entre le capital et le travail, combinée au développement quantitatif et qualitatif de l’emploi rémunéré à sa juste valeur, est de nature à répondre durablement aux besoins de financement de notre système de protection sociale.

Or vous continuez à cacher certains chiffres pour mieux protéger les dividendes. Selon la Commission européenne, la part des salaires dans la valeur ajoutée a chuté en France de 9,3 % entre 1983 et 2006, soit l’équivalent de près de 100 milliards d’euros par an qui bénéficient au capital plutôt qu’au travail, tandis que, sur la même période, la part des dividendes versée aux actionnaires passait de 3,2 % à 8,5 % du PIB – et de 5 % de la valeur ajoutée à près de 25 % !

La proportion croissante des revenus accaparés par le capital se double de l’utilisation des revenus du capital contre l’emploi, avec la spéculation et les délocalisations qui vous tourmentent, monsieur Méhaignerie, comme nous. Trois chiffres illustrent l’impossible coexistence du capitalisme financier avec notre système de protection sociale par répartition : entre 1993 et 2009, le volume des cotisations sociales a augmenté de 19 %, tandis que le PIB, notamment en raison des gains de productivité, augmentait de 33 % et que les revenus financiers des entreprises et des banques progressaient de 143 %.

Par ailleurs, la part des produits financiers dans la valeur ajoutée des entreprises est désormais près de deux fois supérieure – 29 % contre 15 % – à celle de leurs cotisations sociales. Il devient donc de plus en plus difficile pour les entreprises et le secteur financier de concilier le maintien d’un taux d’emploi élevé, leur contribution au financement de la protection sociale et les revenus qu’ils doivent servir au capital, eux-mêmes détournés de l’investissement productif.

Les parlementaires communistes, républicains et du parti de gauche ont construit un contre-projet afin de financer le droit à la retraite à 60 ans, fixant des objectifs clairs en matière de niveau de pension et de réduction des inégalités de genre, des inégalités entre salariés. Avec cette proposition de loi, qui a recueilli à ce jour plus de 120 000 signatures, nous apportons des recettes dynamiques, plus de 36 milliards de recettes nouvelles au financement de la protection sociale, dont 14 milliards pour les retraites – soit l’équivalent du déficit. Nous faisons également la démonstration que c’est en enclenchant un autre modèle de croissance, en désintoxiquant notre économie de la financiarisation, que l’on répondra à l’enjeu du financement de notre modèle de protection sociale.

De tout cela, malheureusement, nous ne pourrons pas débattre ou alors de façon tronquée ou partielle. Tous les amendements fiscaux du Gouvernement traduisant ses maigres mesures en matière de financement, toutes nos propositions de financement de nos régimes de retraite étant renvoyés au financement de la sécurité sociale et au projet de loi de finances de cet automne.

Les syndicats vous demandent également ce débat sur le financement : acceptez de l’ouvrir enfin sans exclusive !... Consentez à renoncer, après concertation avec les partenaires sociaux, au relèvement de 60 à 62 ans de l’âge de départ, de 65 à 67 ans de celui du taux plein. Acceptez de renvoyer ce texte en commission.

À défaut, faites au moins preuve de franchise envers les Français. Ne les trompez pas comme en 2003 ! Avouez que votre réforme ne garantit absolument pas le niveau des futures pensions et qu’elle n’est en rien un frein, bien au contraire, à la baisse programmée des pensions. Ainsi, d’après les projections du COR – sur la base de quarante et une annuités de cotisations –, le taux de remplacement à 60 ans passerait en dessous de 50 % dès que l’entrée dans la vie active se ferait après 22 ans, ce qui constitue une baisse de près de vingt points en vingt ans. Selon une étude réalisée par la Commission européenne, rendue publique en juillet dernier, en raison des réformes Balladur et Fillon déjà actées, la France est un des pays d’Europe où le décrochage entre la pension nette que touche un retraité et son salaire au moment de son départ à la retraite sera le plus fort, et la quatrième baisse la plus forte parmi les 27.

C’est la réalité ! Le taux de remplacement devrait ainsi passer de 79 % en 2006 à 63 % en 2046, soit une chute de 16,5 points. Cette réalité bien connue ne manque pas d’aiguiser les appétits des opérateurs du marché de l’assurance sociale....

Prenons l’exemple des fonctionnaires doublement pénalisés par l’alignement de leur taux de cotisation sur celui des salariés du privé. Du fait du surcroît de cotisation, ils subiront tout de suite une baisse de leur pouvoir d’achat de 6 euros en moyenne par mois par agent. Au moment de la liquidation de leurs droits à la retraite en raison du durcissement des règles du minimum garanti, ceux – majoritairement des femmes – ayant eu une carrière incomplète notamment perdront, en moyenne, les 150 euros supplémentaires qu’ils pouvaient avoir sur leurs petites pensions de 1 000 euros.

Elle est injuste parce qu’elle conduit à baisser la retraite de nos concitoyens. Le relèvement des bornes d’âge est la mesure la plus inégalitaire qu’il soit, d’autant qu’elle se double de l’allongement de la durée de cotisation exigée pour bénéficier d’une retraite à taux plein, programmée par la réforme Fillon pour passer de 40,5 annuités aujourd’hui à 41 ans en 2012 et 41,5 ans en 2020 ; cet ajustement à l’augmentation de l’espérance de vie, que vous entendez rendre automatique, est donc amené à augmenter encore.

Les femmes victimes de discriminations dans la sphère professionnelle, davantage victimes du travail à temps partiel contraint, ont en moyenne des durées validées beaucoup plus faibles que celles des hommes et sont donc proportionnellement plus nombreuses à ne pas valider une carrière complète. Ainsi, selon une étude de 2007 de la DREES, parmi les retraités seulement 44 % des femmes ont réussi à valider une carrière complète contre 86 % des hommes. La décote les concerne plus que les hommes aussi et son ampleur est également plus forte. ...

En 2009, par exemple, 24,1 % des femmes assurées du régime général sont parties à 65 ans ou plus tard, contre 16,5 % des hommes. Contrairement à ce que vous avancez, les dispositifs de solidarité existant au sein de nos régimes de retraite sont très loin de compenser ces inégalités, ces aléas de carrière, et ce d’autant que vous vous employez à raboter ces mécanismes familiaux et conjugaux ! La loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 a remis en cause le dispositif de majoration de durée d’assurance pour les femmes salariées, leur attribuant de droit qu’une seule année validée au titre des enfants. Dans la fonction publique, les conditions encore plus restrictives – un an de droit, mais à condition d’avoir interrompu son activité notamment – suite à la réforme de 2003 sont telles que, déjà, le nombre moyen de trimestres validés par les femmes est passé de 8,7 à 7,9 trimestres en l’espace de trois ans. Il est maintenant question de supprimer le dispositif de départ anticipé pour les fonctionnaires ayant quinze ans de service et trois enfants....

Les conséquences humaines et sociales de votre réforme se feront également sentir très durement pour les ouvriers, ceux qui ont commencé à travailler jeunes souvent dans des conditions très pénibles, qui ont cotisé leurs 40 ans avant leur soixantième anniversaire dans des métiers difficiles, peu qualifiés, sans oublier les apprentis, donc ceux qui paieront, en quelque sorte, la retraite des cadres.

Permettez-moi, là encore, de vous rappeler certaines données que vous feignez d’oublier. En raison notamment du mode de calcul des pensions, mais aussi des différences d’espérance de vie, un cadre reçoit un montant total de pension de retraite trois fois plus élevé qu’un ouvrier. L’espérance de vie d’un ouvrier est, en moyenne, plus courte que celle des cadres – six ans – doublée d’une espérance de vie en bonne santé plus faible également – les cadres vivent en moyenne dix ans de plus de leur espérance de vie totale indemnes d’incapacité. Selon l’enquête emploi 2008 de l’INSEE, l’âge moyen de fin d’étude de ces actifs ouvriers est de 17,9 ans. Il est même de 16,7 ans pour les actifs ouvriers âgés de 50 à 55 ans. Dans les prochaines années, des centaines de millier d’ouvriers totaliseront donc 45 ans de cotisations lorsqu’ils liquideront leur retraite à 62 ans. Comment prétendre, dans ces conditions, que les ouvriers ne sont pas les principales victimes de cette réforme ? Les sujets que vous gardez sous le coude, en l’occurrence celui de la cessation anticipée d’activité pour carrière longue ou du dispositif pénibilité, prennent alors toute leur importance.

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Contrairement aux effets d’annonces, la pénibilité ne fera pas l’objet de mesures de compensation justes et suffisantes, le droit à la retraite en bonne santé d’une durée équivalente à celle des salariés non exposés est enterré. En prescrivant la pénibilité sur ordonnance à 60 ans, par référence à un seuil d’incapacité « sans aucune pertinence médicale, sociale ou professionnelle » selon François Guillon, professeur de médecine et santé au travail, en lieu et place d’un dispositif collectif reconnaissant la pénibilité du poste de travail, de son environnement… ouvrant droit avant 60 ans, qu’il y ait ou non des effets présents et mesurables sur la santé, à bonification de trimestre, le Gouvernement présente un volet pénibilité qui se réduit à « une succession d’injustices » pour reprendre les propos du secrétaire général de la FNATH et le porte-parole de l’ANDEVA.

Ajoutons à cela le mépris que vous affichez depuis des mois en refusant aux syndicats de salariés et aux parlementaires de mettre sur la table vos propositions d’amendements.

Impossible aussi de prétendre, comme vous le faites, monsieur le ministre, que votre réforme est juste et équilibrée financièrement. La solution privilégiée du report des bornes d’âge couvrira à peine la moitié des besoins de financement à l’horizon 2020. Les craintes exprimées par les syndicats à ce sujet ont été confirmées par le rapport pour avis de la commission des finances. Le compte n’est pas bon. Pour exemple, le déficit de la CNAV dépasserait encore les 3 milliards d’euros en 2018 et atteindrait même 4 milliards en 2020, pour augmenter ensuite beaucoup. Vous lorgnez donc sur les supposés excédents de la CNRACL et du régime complémentaire AGIRC-ARRCO et espérez le basculement des cotisations de l’assurance chômage vers la branche vieillesse, sans parler, bien évidemment, du hold-up sur le fonds de réserve des retraites.

En outre, alors que 50 % des déficits sont attribuables à la crise financière, les sacrifices pèseront à plus de 85 % sur les salariés et les fonctionnaires. Pour la majorité, l’équité, c’est prendre aux salariés, répartir les efforts entre public-privé sans toucher à ceux qui ont les plus hauts revenus. Ainsi, 4,6 milliards, c’est le faible rendement attendu d’ici à 2020 des recettes nouvelles venant de la mise à contribution des hauts revenus et des revenus du capital, des taxes sur les ménages et sur les entreprises. Les économies attendues sur le dos des salariés et fonctionnaires au titre seulement du recul des bornes d’âge se chiffrent, elles, à plus de 13 milliards : fonction publique : 4,2 milliards en 2020 ; CNAV 9,08 milliards. La participation pour 4,6 milliards d’euros des plus hauts revenus et du capital au financement de notre système de protection sociale est cosmétique face à un besoin financier de 45 milliards.

Sur le relèvement des deux bornes d’âge, autre sujet majeur, marqueur lui aussi du projet sarkozyste, vous nous dites, pleins de bon sens, que puisque l’on vit plus longtemps, il paraît logique de travailler plus longtemps. Là encore, il serait temps que vous assumiez pleinement vos choix très marqués politiquement pour ne pas dire idéologiquement. Pour les libéraux que vous êtes, le temps de vie gagné doit obligatoirement être consacré à travailler. Pas un instant vous ne vous êtes dit que c’est peut-être parce que le travail occupe une place moins écrasante dans nos vies, peut-être parce que l’âge légal a justement été fixé à 60 ans, que nous vivons désormais plus longtemps. Selon vous, 62 ans serait l’âge de raison. Méconnaissez-vous donc à ce point les études en matière d’espérance de vie sans incapacité ? Elle est de 24 ans pour un homme ouvrier de 35 ans. Autrement dit, comme le développe Arnaud Parienty pour Alternatives Économiques, un homme ouvrier souffre d’incapacité à partir de 59 ans. Soixante ans est donc l’âge pertinent si l’on veut éviter aux salariés une fin de carrière très douloureuse.

Le problème est avant tout celui du chômage des jeunes, des conditions d’emploi des quinquas, vous ne pouvez l’ignorer. Un économiste venu de Mars ne comprendrait pas que la planète France débatte de la manière d’augmenter la durée du travail dans l’avenir pour des personnes ayant un certain âge alors que l’on ne parvient pas à donner aujourd’hui du travail aux jeunes…

Ce gouvernement sait que moins d’une personne sur deux occupe un emploi au moment de faire valoir ses droits à la retraite. Sont en cause les conditions de travail, mais aussi et surtout l’attitude des entreprises se séparant de leurs quinquas à moindre frais sur le dos bien souvent de l’assurance chômage ou en recourant aux ruptures conventionnelles, nouvelle invention de la droite ! Mais il fait le choix de transformer de potentiels retraités en chômeurs, en invalides, sans se soucier du coût de ce report pour la société ! Un article paru dans Les Échos,le 28 juillet, dernier révèle que le report de 65 à 67 ans coûterait plus de 200 millions par an à l’assurance chômage, 18 000 personnes devant basculer par an du chômage à la retraite. Cette note technique réalisée par Pôle emploi, depuis maintenant plus de dix mois, n’a pas été versée à nos débats, ce qui est tout à fait préjudiciable.

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À l’appui du passage de 60 à 62 ans de l’âge légal vous nous dites également, très sérieusement, que « tous nos partenaires en Europe, qu‘ils soient dirigés par la droite ou la gauche, ont reconnu cette évidence. » Ce n’est pas un argument, mais simplement le constat du caractère un peu trop consanguin de tous ces gouvernements, comme l’a montré le faux débat sur la Constitution européenne. Sur l’exemplarité des solutions européennes et le paramètre supposé incontournable de l’âge minimal, vous vous livrez, comme à l’accoutumée, à une importation pour le moins orientée et partielle. Vous savez pourtant, monsieur le ministre, que ce paramètre de l’âge minimal n’est qu’une composante des systèmes de retraite et qu’il convient donc également de regarder : la durée de cotisation minimale requise – 35 ans en Allemagne et en Espagne, 30 ans au Royaume-Uni en compensation du passage à 68 ans d’ici à 2046 de l’âge minimum – l’âge réel de départ, celui de sortie du marché du travail, les dispositifs permettant de partir de façon anticipée à la retraite – dispositifs grâce auxquels, par exemple, un quart des nouveaux retraités espagnols liquident leurs droits avant 60 ans – ou le taux de remplacement… Vous ne vous attardez pas non plus sur le fait qu’aujourd’hui en Allemagne le passage de 65 à 67 ans est contesté notamment parce que, seuls, 9,9 % des 60-64 ans exercent une activité professionnelle.

Vous obérez l’essentiel : non seulement la France n’est pas le mauvais élève de la classe, mais elle risque d’adopter l’un des systèmes les plus sévères du continent parce que le relèvement des seuils d’âge va de pair avec le durcissement des durées de cotisations.

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Après le jeu de concertation pipée avec les organisations syndicales, le Gouvernement a délibérément choisi d’expédier le temps parlementaire, de le maîtriser, de le vider de sa substance : procédure accélérée sur le texte de la législature, examen en session extraordinaire, temps programmé permettant qu’en une petite semaine – c’est ce que vous espérez – le débat soit bouclé, parodie de huis clos et de travail parlementaire en commission des affaires sociales, le rapporteur « invitant » même les députés à retirer leurs amendements sur la question clé de la pénibilité ou annonçant un avis négatif de principe sur les propositions, qu’il justifie par « le respect pour le Gouvernement et les partenaires sociaux » a priori engagés dans le dialogue, ce qui n’était pas vrai, monsieur Jacquat !

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