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Lieu : Avignon, Vaucluse, France

samedi 5 février 2011

Sid Ahmed Ghozali. Ancien chef de gouvernement

«Je crains fort qu’il ne s’agisse que d’une grosse manœuvre»





-Quel commentaire faites-vous de l’annonce de la décision de lever l’état d’urgence ?

Je dois vous dire que j’ignore encore les tenants et les aboutissants de cette mesure. Si elle est annoncée dans le sens de l’apaisement, elle est la bienvenue et, dans ce cas-là, il faut continuer d’exiger plus et laisser les Algériens s’exprimer, s’organiser et s’associer librement. Et je dirais qu’elle n’est pas la seule mesure qu’il faut prendre. Qu’ils aillent jusqu’au bout si vraiment ils sont animés de bonnes intentions. Mais je crains fort qu’il ne s’agisse que d’une grosse manœuvre, un leurre, une opération menée par les tenants réels du pouvoir dans l’objectif de se refaire une virginité. Je n’écarte pas que devant l’accroissement des difficultés des Algériens, qui incombent entièrement à ce même pouvoir, les tenants du pouvoir ne songent à faire gober aux citoyens des opérations de ce genre qu’ils engagent.

-Pourtant, vous étiez chef de gouvernement quand l’état d’urgence a été instauré, en 1992…

Il faut se replacer dans le contexte de l’époque, la sécurité du pays était sérieusement menacée. Quand je suis arrivé au gouvernement, j’ai trouvé un état de siège. On y a mis fin aussitôt pour passer à l’état d’urgence que nous avions levé, trois mois avant les élections législatives prévues alors pour décembre. Cependant, la réaction du FIS, après l’interruption des élections, a fait que nous étions dans l’obligation de revenir à l’état d’urgence. Mais je dois dire que son maintien est devenu illégal après le vote de la loi sur la concorde civile et la réconciliation nationale. Il est devenu un instrument illégal, un prétexte qu’utilise le pouvoir pour entraver toutes les libertés publiques dans le pays.

-Concrètement, quel sera l’impact de cette mesure sur la vie politique nationale ?

Aucun. Cela ne va rien apporter et ne va rien changer, car le vrai problème auquel nous faisons face depuis des années réside dans le non-respect des lois. Le pouvoir ne respecte pas ses propres lois. On le constate quotidiennement. Des partis comme le Front démocratique et Wafa sont interdits alors qu’ils remplissent toutes les conditions que la loi exige et qu’ils sont explicitement acceptés par l’article 22 de la loi sur les partis. On a vu également comment une Constitution a été changée en deux minutes dans le seul but de briguer un autre mandat présidentiel.
Tant que les tenants réels du pouvoir continuent à jouer avec les lois qu’ils ont eux-mêmes élaborées, on ne sortira pas de cette spirale. Ils enfoncent davantage le pays dans la crise. On fait face à un risque grandissant de confrontation violente entre le pouvoir et la rue, pire que ce qui se passe en Egypte. L’accumulation des problèmes conduira inéluctablement à une explosion aux conséquences impossibles à maîtriser. L’on en voit déjà des signes.

-Que faire, alors ?

Le pouvoir a encore une occasion pour éviter l’irréparable. Il n’a laissé aux citoyens que le seul choix d’obéir et de se soumettre au prince. Les tenants du pouvoir ont choisi de diriger seuls. Je leur dis que le pays ne vous appartient pas. Devant cette fermeture, le citoyen ne peut s’exprimer que dans la violence. Et les tenants du pouvoir ne veulent pas retenir la leçon et ne tiennent pas compte de tout cela. L’histoire nous a montré que la solution ne peut venir de la violence. Je n’incrimine personne. Le crime ne réside pas dans le fait de commettre des erreurs – n’en commet pas que celui qui ne fait rien – mais le délit commence par le refus de les reconnaître et d’agir pour les corriger. L’échec notoire est là. Est-il dû au fait que le système est mauvais ? Alors, c’est le système qui est à changer radicalement. Ou alors considère-t-on qu’il n’y a pas échec ? Il faut alors chercher une explication aux raisons qui poussent les Algériens à être mécontents au point d’être en colère.Dans tous les cas, tout ce que je demande instamment au pouvoir est de leur accorder au moins les libertés publiques qui leur sont reconnues par la loi.
Pour ma part, les peuples se soulèvent non pour le pain mais pour la liberté et la dignité. Il n’y a pas de pain sans liberté ni de liberté sans pain. Pain, liberté et dignité sont indissociables l’un de l’autre.

Hacen Ouali

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