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Lieu : Avignon, Vaucluse, France

mercredi 14 septembre 2011


Benoît Hamon par franceinter

reprise de http://www.benoithamon.fr/2011/09/le-systeme-bancaire-face-a-la-crise-des-dettes-souveraines-que-peuvent-faire-les-politiques-economiques/


Le système bancaire face à la crise des dettes souveraines: que peuvent faire les politiques économiques?

13 septembre 2011

Liem Hoang-Ngoc

La montée des dettes publiques est concomitante au déploiement des politiques budgétaires néolibérales. Ces politiques se sont orientées autour de la baisse des dépenses publiques pour réduire les déficits – présumés peser sur les générations futures -, dans le but de baisser les impôts desdites générations. Celles-ci utiliseraient alors leur supplément de revenu pour dépenser mieux que ne le ferait l’Etat. En quelque sorte, cette politique s ‘applique déjà puisque depuis dix ans, les générations futures d’hier (i.e. les générations de ménages aisés d’aujourd’hui) ont profité des baisses d’impôts gagées sur la contraction des dépenses, notamment organisées par la RGPP. Il faut relever ce paradoxe: ces politiques qui étaient censées réduire les déficits et relancer la croissance ont au contraire creusé les déficits et menacent aujourd’hui de plonger l’Europe dans la récession, en en faisant payer le prix fort aux plus démunis.

Cette conjoncture macroéconomique est aggravée par le fait que les Etats sur-réagissent à la pression non neutre des agences de notation, en accentuant les politiques qui sont à l’origine de cette situation. Les prévisions de croissance s’effondrent (La Grèce est en récession de -4,5% au lieu des -3,8% prévus lors de la mise en œuvre des plans de sauvetage). On sait aujourd’hui qu’avec une perspective de croissance revue à la baisse dans la zone euro pour 2012 (entre 0,5 et 1,5), peu de pays réaliseront l’objectif de 3% en 2013 . Un cercle vicieux est en passe de s’installer, où les risques de défaut de paiement, liés à la chute des rentrées fiscales en mauvaise conjoncture, aboutiraient à la dégradation de la note de certains pays, qui seraient condamnés à se financer à des taux excessivement élevés, aggravant leurs difficultés financières.

C’est aujourd’hui ce que craignent les marchés, où les valeurs bancaires sont attaquées car elles sont les premières détentrices de dette souveraine . Les banques européennes sont exposées à hauteur de 459 milliards de dollars aux dettes souveraines grecques, italiennes et espagnoles. L’Italie et l’Espagne représentent plus de 70% de ce montant. En France, BNP Paribas, Crédit Agricole, SG, BPCE sont exposées à hauteur de 41,7 milliards d’euros en Italie et 9,9 milliards d’euros en Espagne. Un troisième facteur, risquant de faire plonger l’Europe dans la récession, intervient ici. Les fonds propres des banques ont fondu de plus de 40% en juillet et août 2011. Celles-ci auront bientôt du mal à emprunter sur le marché interbancaire où les taux vont se tendre, compte tenu de la méfiance réciproques des banques les unes envers le bilan des autres. Alors que les grandes banques européennes ont réalisé 90% de leur programme de refinancement annuel, une dizaine ne l’on effectué qu’à 80 %. En France, le Crédit Agricole et BPCE afficherait un taux de réalisation de 79% et BPCE de 77%. Le coût des dernières tranches de refinancement risque d’augmenter. La hausse des taux interbancaires se répercutera sur le coût du crédit octroyé par les banques aux particuliers et aux entreprises. Confrontées à des fonds propres insuffisants et tenues par la perspective des exigences de Bâle III, les banques accorderaient moins de crédits. Moins de crédits, à des taux plus élevés, tel est le troisième facteur aggravant, source potentiel de récession.

Si l’on ajoute à tout cela l’entrée en récession de l’économie américaine, prévue par les conjoncturistes dans six mois-un an, il est probable que la conjoncture devienne plus mauvaise fin 2012 que les prévisions mentionnées ci-dessus.

Dans ces conditions, il est en premier lieu urgent, comme en 2008 d’éviter une panne de liquidités qui assècherait le financement de l’économie et serait source d’aggravation du chômage. La politique monétaire peut à cette fin être utilisée. La BCE pourrait réduire son taux directeur, voire intervenir directement sur le marché interbancaire, pour réduire les taux interbancaires si ces derniers se tendaient. Elle peut continuer prendre en pension des actifs plus ou moins toxiques et à racheter sur le marché secondaire de la dette souveraine. Cela permettrait un tant soit peut de maintenir ouvertes les vannes du crédit .

Reste le problème des fonds propres des banques. Si la tendance au retournement conjoncturel, assorties de risques de défauts de paiement se confirmait, la chute prévisible des valeurs bancaires poserait inévitablement le problème de la recapitalisation du système bancaire. Cette fois-ci, il ne faudrait pas rater le coche (manqué par la droite en 2008) de la recapitalisation avec contreparties.Parmi les contreparties à leur recapitalisation, les banques doivent:

  • Séparer les activités de détail et les activités d’affaires. Ceci est de nature à dissuader les banques de se lancer dans des activités hautement spéculatives en sachant que les dépôts des épargnants sont susceptibles d’être utilisées pour éponger leurs pertes en cas de prise de risque inconsidérée.
  • Réduire les frais bancaires, aujourd’hui excessifs,
  • Encadrer sévèrement les bonus des traders et des dirigeants pour les désinciter à des prises de risque inconsidérées,
  • Consacrer une partie de leurs bénéfices à la consolidation de leurs fonds propres pour respecter au plus vite les règles de Bâle III,
  • Limiter le volume des crédits titrisés (et qu’elles titirisaient jusqu’alors dans le but de contourner les règles de Bâle II et d’accroître leurs profits financier par le biais de « l’effet de levier ») où leur imposer de conserver dans leur bilan un certain pourcentage des crédits titrisés (pour le calcul des ratios de solvabilité de Bâle III),
  • Intégrer au capital des banques recapitalisées une représentation du pôle publique financier que nous constituerons autour de la CDC, sous une forme appropriée, afin que les objectifs fixés soient contrôlés par la puissance publique.

En outre, nous nous engageons, à l’échelle européenne pour:

  • La création d’une Agence de notation européenne adossée à la cour européenne des comptes, chargée d’évaluer, indépendamment des conflits d’intérêt, les dettes souveraines en fonction des données qu’elle détient,
  • L’interdiction des CDS sur les dettes souveraines,
  • L’Encadrement des marchés de produits dérivés de gré à gré par la mise en place de chambre de compensation,
  • L’Interdiction des ventes à découvert sans contrepartie commerciale,
  • La création d’eurobonds par le Fonds Européen de Stabilité Financière dont les fonds propres seraient accrus (voir ci-dessous). Les Etats-membres pourraient choisir, de façon facultative, d’y recourir, en complément des bons du trésor qu’ils émettent eux-mêmes, notamment lorsque ces derniers leur permettent d’obtenir de plus bas taux,

Il est évident que la simple action sur le système bancaire ne suffira pas à contrer les risques récessionistes. Si la situation de trappe à liquidité était avérée et qu’a-fortiori, l’investissement restait insensible aux taux d’intérêt, seule la politique budgétaire serait de nature à provoquer un effet contra-cyclique sur l’activité. Elle sera indispensable pour recapitaliser les banques. Elle devra de surcroît soutenir l’investissement public et abonder le fonds européen de stabilité financière. Ce dernier a pour vocation de mobiliser l’épargne européenne par émission de titres, afin de dégager les ressources nécessaires au financement à bas taux des dettes souveraines. Ces titres ne sont rien d’autre que l’embryon des eurobonds. Leur accouchement nécessitera un investissement de chaque Etat membre pour accroître les fonds propres du fonds de stabilité (La France s’est d’ores et déjà engagée à abonder 14 milliards d’ici 2014 dans le cadre du deuxième plan de sauvetage de la Grèce). Ici encore, la situation concrète se chargerait de rappeler aux promoteurs de la « règle d’or » que celle-ci a ceci d’absurde qu’elle ne permet en aucun cas de régir aux fluctuations du cycle économique et de relever les défis d’une solidarité fédérale.

A ceux qui invoque l’état catastrophique des finances publiques pour justifier l’inaction ou l’impossibilité d’user de l’instrument budgétaire, il faut répondre que la majeure partie de la dette est illégitime (elle provient d’inutiles baisses d’impôts dont les rentiers ont bénéficié) et qu’il sera bientôt de bon ton de la restructurer, d’autant que ses détenteurs (les banques) demanderont sous peu aux Etats de venir à leur secours bien plus qu’ils ne dénonceront les pertes occasionnées par leur « participation » aux plans de sauvetage de la Grèce.