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Lieu : Avignon, Vaucluse, France

vendredi 30 avril 2010


Aide à la Grèce : une solidarité au rabais

On peut se réjouir de l’accord trouvé hier soir au Sommet européen en vue de venir en aide à la Grèce. Pour la première fois depuis le début de la crise, les Etats Membres font preuve de solidarité face à l’exubérance irrationnelle des marchés. Un mécanisme de soutien est mis en place pour soulager les contribuables grecs, mis sous pression.

Mais pas de triomphalisme : il s’agit d’une solidarité au rabais, qui n’affranchit pas la zone euro des menaces que les spéculateurs font peser sur nos économies. En se limitant à des prêts bilatéraux et en admettant que le FMI soit partie prenante à la solution proposée, les gouvernements européens n’ont pas donné le signal fort qu’exigent des circonstances exceptionnelles. Loin de mettre à l’abri la population grecque et, à terme, l’Union Européenne toute entière, de plans de rigueur en série, l’accord est assorti de mesures d’économie drastiques, qui n’ont rien à envier aux "ajustements structurels" jadis imposés à l’Argentine et qui menacent de tuer dans l’oeuf tout espoir de reprise - et de recettes fiscales.

La chancelière allemande Angela Merkel porte une lourde responsabilité dans la situation actuelle. Sa politique de compétition agressive, menée aux dépens de tous les autres pays de l’Union européenne, entraîne les pays européens vers une déflation salariale et un dumping social aux conséquences macroéconomiques désastreuses. La menace d’exclusion de la Grèce, maladroitement brandie par la chancelière, trahit le choix d’une stratégie non coopérative, particulièrement dangereux pour l’avenir de la zone euro.

Le Président de la BCE, enclin à regretter le recours au FMI, n’a pour sa part jamais évoqué la solution de bon sens, la plus économique, déjà utilisée par la FED américaine : donner la possibilité à la BCE de financer à taux réduit la dette des Etats Membres de la Zone Euro, comme le permettrait l’article 122-2 du Traité de Lisbonne. En l’absence d’une telle proposition, les socialistes européens ont eu raison d’appeler de leurs vœux la création d’un Fonds Monétaire Européen.

En lieu et place d’une politique courageuse de soutien de la demande au niveau européen, nous voyons malheureusement se consolider une gouvernance économique de l’Union renforcée dans le seul but de pousser - par le durcissement du volet répressif du Pacte de Stabilité et de Croissance - tous les Etats Membres vers une compétitivité construite au dépens des salaires, du droit du travail, des systèmes de protection sociale, des services publics et de la justice fiscale.

Si l’Union Européenne doit tenir ses promesses de progrès partagés, elle doit tourner le dos aux égoïsmes économiques nationaux et aux politiques budgétaires et fiscales non coopératives. Elle doit donner la possibilité à sa banque centrale de financer les dettes souveraines, quand les primes de risque sur les emprunts d’Etat, exigées par les marchés, deviennent excessives.

Liêm Houang Ngoc

Un monde d'avance

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mardi 20 avril 2010

Le PS regarde à nouveau à gauche pour 2012


Voracité et tyrannie" de la finance, "explosion des inégalités" et "déficit de régulation"... Les conclusions de la convention nationale du PS sur un "nouveau modèle économique, social et écologique", que présente Pierre Moscovici, mardi 20 avril, marquent un retour aux "fondamentaux" du PS. Ce texte, qui sera présenté aux militants à la fin mai, doit servir de socle aux négociations avec les Verts et les autres alliés du PS.

Ensuite le PS propose de revenir sur "la captation des richesses par une minorité" à l'aide de la fiscalité et de la régulation, pour "répartir autrement les richesses entre capital et travail". Deux termes absents des discours socialistes depuis quelques années. Autre notion nouvelle, celle du"bien-être plutôt que le tout avoir", qui veut rompre avec une logique productiviste.en avant par Martine Aubry dans sa tribune au Monde la semaine dernière. Elle consiste à "consacrer davantage de ressources aux activités qui préparent l'avenir" (éducation, recherche...), à "encourager la mutation écologique" et à "ne pas laisser le financement de l'économie au seul marché".

Le document consacre également un long chapitre à la notion anglo-saxonne de "care" portée par Martine Aubry à travers la "société du bien-être", grâce à une confiance retrouvée "dans l'Etat-providence". Il veut aussi mettre en place de "nouveaux droits" pour lutter contre "l'aliénation sociale [qui] est de retour". Enfin, le projet réfute la "société de la pseudo-performance" et de la "mise sous pression des individus".

Plus concrètement, la convention a proposé quelques idées, comme un pôle public d'investissement industriel destiné à un "rôle d'orientation et de pilotage" des investissements en la matière. Il serait financé par un redéploiement d'une partie des sommes du crédit d'impôt recherche et ferait la part belle aux PME. Le PS souhaite aussi développer une "stratégie européenne", grâce à une "agence européenne de l'innovation industrielle", et met l'accent sur la"relocalisation".

L'écologie tient aussi une grande place dans le projet, avec "un modèle de production plus sobre en ressources", et surtout un "nouveau modèle énergétique", qui pourrait passer par une"coopération européenne renforcée" en la matière. Ecologie toujours dans la partie consacrée à l'agriculture, avec la volonté de "privilégier le 'manger mieux'". Le PS propose également un vaste plan "d'écoconditionnalité", qui touche les taxes des entreprises comme la TVA, en fonction de l'impact environnemental.

"RÉVOLUTION FISCALE"

Le qualitatif est aussi mis en avant dans la vie professionnelle. Le PS promet une "sécurité sociale professionnelle" avec un compte formation tout au long de la vie financé par "une majoration des cotisations" d'entreprises employant trop de précaires. Une large place est faite à la "qualité de travail" : les socialistes veulent plus de "dialogue" entre salariés et directions. Le PS souhaite également reposer la "question du partage des richesses au sein de l'entreprise", avec un système de bonus/malus en termes de cotisations en fonction de la politique salariale pratiquée, mais aussi une volonté de lutter contre les écarts trop grands de salaires. Un "bouclier logement", permettant de limiter les dépenses des ménages modestes sur ce poste, est également proposé.

Après la crise, les socialistes proposent également une "réforme d'ensemble du système financier", classée "priorité essentielle". Elle passerait par plus de régulation, de contrôles et l'instauration d'une taxe type "Tobin" sur les flux financiers. Cette réforme toucherait aussi les entreprises, en modulant l'impôt sur les sociétés en fonction du mode de redistribution des dividendes. Les socialistes proposent aussi une refonte de la fiscalité, une "révolution fiscale", avec la fusion de l'impôt sur le revenu et de la CSG en "un seul impôt progressif prélevé à la source". La somme des économies réalisées et des produits nouveaux résultant des taxes sur les entreprises devrait suffire, selon le PS, à redresser les comptes publics.

Samuel Laurent (Le Monde)

jeudi 15 avril 2010


Au-delà de la réforme des retraites, il faut réussir la révolution de l’âge, par Martine Aubry

(Le Monde - 14 avril 2010)

En ce début de XXIe siècle, la France a franchi le seuil des 80 ans en matière d'espérance de vie. Ce sont des années gagnées, des années utiles pour soi-même et pour autrui, une conquête à laquelle notre modèle social, si décrié par la droite, n'est pas étranger.

En même temps, l'allongement de la durée de la vie ne s'accompagne pas toujours d'une valorisation des individus . Sur d'autres continents, vieillir est positif, symbole de sagesse et d'expérience. Mais dans la société du live et du in, les cheveux blancs, les rides, les années sont souvent ignorées, voire stigmatisées. Notre modernité, consciemment ou non, organise une véritable exclusion de l'âge et du grand âge. Telle est l'ambivalence du vieillissement, à la fois cadeau et discrimination.

C'est aussi l'un des plus grands défis à relever par la puissance publique, celui du changement des conditions d'accès des seniors à l'autonomie, au logement, à la mobilité et aux soins, aux loisirs, ainsi que de leur indispensable financement. Ces enjeux seront au cœur du débat sur l'avenir des retraites. Les socialistes seront au rendez-vous des contre-propositions.

NE PAS CÉDER AUX ULTIMATUMS

Nous serons fermes sur nos valeurs et inventifs pour trouver des solutions qui garantissent la pérennité et l'équité du système par répartition. Nous n'acceptons pas l'appauvrissement de nos aînés, qui enferme tant d'entre eux – et d'abord d'entre elles – dans des "minimum vieillesse" de quelques centaines d'euros par mois.

Nous le ferons sans céder aux ultimatums. Le gouvernement cherche à dramatiser pour imposer ses décisions à sens unique dans l'urgence quand il faudrait, comme le demandent les organisations syndicales, prendre le temps d'une véritable négociation pour trouver les voies d'une réforme juste et viable dans la durée. A cet égard, la statistique ne saurait remplacer la politique: le rapport du Conseil d'orientation des retraites (COR) est un élément parmi d'autres de l'évaluation financière et ne doit pas être instrumentalisé pour imposer des choix de société.

Les salariés et les retraités ne peuvent pas être les seuls sur lesquels reposent tous les efforts. Réformer les retraites suppose d'introduire sans tarder de nouvelles ressources dans le système. Ce qui ne signifie pas de peser sans fin sur les salariés ni de diminuer les pensions.

Là se trouve le point aveugle des décisions libérales de 1993 de Balladur, ou de 2003 de Fillon: jamais la droite n'a pris la peine de soumettre les très hauts revenus, les produits du capital financier ou de la rente à l'impératif de solidarité alors même qu'un million de retraités vivent sous le seuil de pauvreté.

Les pistes ne manquent pas: élargissement de l'assiette des cotisations à la valeur ajoutée, cotisations sur les stock-options et d'autres rémunérations non assujetties, abolition des privilèges fiscaux qui minent la cohésion nationale, surtaxe de 10 % de l'impôt sur les sociétés acquitté par les banques, affectée au fonds de réserve des retraites, etc. Les choix opérés devront être réévalués à étapes régulières, tant ils dépendront de l'évolution de la démographie, de la croissance, de l'emploi et de la masse salariale, sans pour autant remettre en cause la stabilité des droits indispensable à la confiance dans le système pour les jeunes générations.

MAINTENIR LA RETRAITE À 60 ANS

Sans renoncer à donner plus de souplesse aux choix individuels et en tenant compte de l'hétérogénéité des parcours professionnels et de leur pénibilité, nous défendrons le maintien de l'âge légal du départ à la retraite à 60 ans – c'est-à-dire la possibilité de faire valoir ses droits à pension –, avec la possibilité de partir plus tôt pour ceux qui ont exercé des activités particulièrement pénibles.

Les Français savent que l'accroissement de l'espérance de vie et une arrivée plus tardive sur le marché du travail nécessitent pour beaucoup un départ réel après 60 ans. L'âge moyen de départ réel est déjà de 61 ans et demi. Mais si l'âge légal était repoussé à 62, 63, 65 ans, comme le préconisent l'UMP et le Medef, des centaines de milliers de personnes qui ont commencé à travailler très jeunes seraient contraintes de faire 44, 45, 48 années de travail. Dans un marché du travail qui ne fait pas sa place aux seniors, combiné à l'allongement des durées de cotisation, cela se traduirait pour eux, avant tout, par une baisse des pensions que nous ne pouvons accepter. L'efficacité n'est pas, à nos yeux, le contraire de la justice.

Au-delà, chacun le sait: le bien-être des Français qui vieillissent ne sera pas assuré en comblant les seuls déficits comptables. L'allongement de la vie a fait naître d'autres déficits: d'utilité sociale pour les seniors, d'emplois qualifiés pour accompagner les mutations de l'âge, de liberté pour ceux, sans cesse plus nombreux, qui souhaitent rester à domicile, de logements et d'équipements adaptés aux personnes dépendantes, de soutien pour les familles confrontées à la maladie d'Alzheimer ou aux pathologies dégénératives, de valorisation accrue des filières gériatriques à l'hôpital ou encore de la reconnaissance du droit de mourir dans la dignité… Le progrès en âge fait émerger des aspirations mais aussi de nouvelles inégalités. Celles qui se révèlent quand la société se défait et se détache de ses plus anciens.

Mieux vieillir ensemble exige d'abord la possibilité de se "réengager". Après le temps du travail, le temps des projets! Forts de cette "vieillesse indépendante", les retraités demeurent des acteurs, même s'ils ne sont plus des actifs au sens où l'Insee les définit. Ils sont souvent des bénévoles sur lesquels beaucoup sinon tout repose, dans des associations, des municipalités ou des mutuelles, dans l'aide aux devoirs pour les élèves et le lien social pour les plus démunis, pour soutenir ici un jeune qui crée sa PME et conseiller là-bas une organisation non gouvernementale humanitaire.

Nos représentations sont à revoir, car les seniors soutiennent la société et ne se bornent pas à lui demander secours. En meilleure santé, de plus en plus longtemps, ils consomment, voyagent, épargnent, aident financièrement leurs enfants et petits-enfants. L'expérience est un atout, voilà la grande révolution ! Une société créative ne saurait se passer de ce capital. Encore faut-il que la société et que le politique considèrent l'âge pour ce qu'il est: une chance, non un fardeau. Reste qu'il n'est pas donné à tout le monde d'être délivré des enjeux du quotidien

Mieux vivre le grand âge dans une société solidaire, c'est non seulement assurer des retraites décentes – nous en sommes encore loin pour des millions de nos concitoyens –, mais également offrir la possibilité à chacun de vivre et non de survivre, de se loger dignement, d'être soigné sans retard dans un pays qui n'accepte pas de devenir un "désert médical".

PLUS DE DOUCEUR ET DE LENTEUR

Mieux vieillir exige aussi que les territoires, villes ou campagnes, s'organisent pour apporter des réponses personnalisées, humaines et de proximité, capables de satisfaire des besoins qui varient selon l'état de santé, la situation familiale. L'action publique doit apprendre à mieux conjuguer un habitat mêlant les générations, des soins à domicile (que l'Etat rationne encore), des accueils de jour (trop rares), des hébergements médicalisés plus ouverts sur le quartier ou le village. Oui, il est grand temps que la ville du XXIe siècle s'adapte aux âges et repense accès, déplacements et espaces collectifs pour apporter plus de douceur… et même de lenteur.

Mais il faut aller plus loin, vers une société du soin: une aide de qualité aux personnes fragilisées, le traitement des grandes dépendances, les soins corporels et vitaux quotidiens. C'est aussi mieux reconnaître, mieux former et mieux rémunérer ceux qui apportent ces soins et en exercent la lourde responsabilité. L'allongement de la vie a des effets économiques positifs grâce aux nouveaux emplois de proximité liés à l'aide à la personne.

J'invite, et ce sera un choix politique majeur de la gauche, à relancer des politiques publiques qui ne compressent pas ces emplois mais, au contraire, les sécurisent. Comment accepter, par exemple, le manque cruel de places dans les services de soins infirmiers à domicile ? L'allocation personnalisée pour l'autonomie, l'APA, en rendant solvable le besoin d'aide, a permis une formidable avancée. Encore faut-il que les conseils généraux qui la dispensent ne soient pas étranglés financièrement par les décisions aveugles de l'Etat !

Le moment est venu pour la France de dire quelle part des ressources nationales elle entend consacrer au vieillissement. Aux retraites et à la révolution de la qualité des âges que nous voulons réussir. Soyons à la hauteur du futur. Exerçons notre sollicitude pour construire "une société qui n'expulse pas ses aînés du monde des vivants", selon le mot terrible de l'anthropologue Maurice Godelier. N'oublions jamais, non plus, qu'aucune allocation ne remplace les chaînes de soins, les solidarités familiales et amicales, l'attention du voisinage, l'engagement de la société. A ce prix, la réhumanisation de notre société prendra tout son sens. C'est ainsi que nous ajouterons de la vie aux années, et pas seulement des années à la vie.

dimanche 11 avril 2010


La fin de la parenthèse libérale

Préparant son projet pour 2012, les socialistes retrouvent une radicalité oubliée depuis les années 80. Fin de parenthèse libérale ou illusion du moment?

"Mademoiselle Delors" est de retour à "Paul-Val". Elle n’y était plus venue depuis l’année de son bac, en 1967, mais Martine Aubry y a fait samedi un retour remarqué pour le cinquantième anniversaire du lycée. "C’est peut-être la future présidente, vous vous rendez compte?", glousse une ancienne élève, sans qu’Aubry n’entende. Une présidente issue de Paul-Valéry, ce lycée du 12e arrondissement plus connu pour ses assemblées générales que pour ses résultats au bac? Ce serait tellement bien que tous ou presque réécrivent déjà l’histoire. "Elle était gentille et douce, elle travaillait et ne cherchait pas à se faire remarquer, elle aurait pu, elle était la fille d’un homme célèbre", confie Mme Farandjis, son ancienne prof d’histoire-géo en première. Martine Aubry savoure les compliments et se marre: "Vous voyez, on dit que j’ai changé, mais non, je suis la même!"

"On propose des choses qu’on ne proposait plus depuis des années"

En fait, Martine Aubry a bien changé. A Paul-Val, elle s’intéressait plus aux copains et au café d’en face, le Résident, qu’à la politique dans son bahut. Désormais, la politique est son destin. Et, cette semaine, elle vient de remettre la barre à gauche toute. Mardi dernier, elle a présidé le bureau national qui a lancé le projet du PS sur le nouveau modèle de développement. Le texte définitif sera acté le 27 avril et soumis au vote des militants le 20 mai prochain. Mais Pierre Moscovici, chargé de cette convention programmatique, se réjouit déjà: "On propose des choses qu’on ne proposait plus depuis des années, on a travaillé tous ensemble."

Ironie de l’histoire, c’est lui, Moscovici, longtemps réputé social-libéral, qui porte ce coup de barre à gauche. Il le porte, même si on sent la patte de Martine Aubry et de son directeur de cabinet Jean-Marc Germain dans le texte. Un retour au temps où la gauche s’assumait, comme si la parenthèse ouverte en 1983, lors du tournant de la rigueur et de l’alignement sur l’Europe, se refermait. Désormais, le PS fait swinguer des mots radicaux. "Juste échange", "sécurité sociale professionnelle", "révolution fiscale, impôt citoyen, avec fusion de l’impôt sur le revenu et de la CSG", "elocalisation du tissu industriel", "réindustrialisation", "société du bien-être", les thèmes et les propositions de ce nouveau modèle sont bien de gauche, fort éloignées du social-libéralisme souvent pratiqué par le PS au pouvoir.

"C’est l’Halloween des sociaux-libéraux, ils sont obligés de mettre un masque pour entrer dans la salle", résume Guillaume Bachelay, secrétaire national à l’Industrie, chantre du juste échange et de la social-écologie depuis des années: "Il y a des convergences fécondes, au sein du PS et même au sein de la gauche. Nous sommes pour une puissance publique qui intervient et qui ne se contente plus d’accompagner, nous sommes pour une société du lien et pas seulement des liens."

Hollande absent, Sapin mouché par Emmanuelli

Mardi en bureau national, les sociaux- démocrates bon teint comme François Hollande, Manuel Valls ou
François Rebsamen n’étaient pas à la fête. Hollande n’était pas là, son ami Michel Sapin a juste eu le temps de subir l’ironie d’Henri Emmanuelli avant de s’éclipser. Le député des Landes qui n’a, lui, jamais cédé aux sirènes sociales-libérales a mouché l’ancien ministre de l’Economie et des Finances de Bérégovoy, aujourd’hui pourfendeur des déficits sur le thème: "Il faudra qu’on reconnaisse qu’on a participé à la désindustrialisation! On m’expliquait il y a quinze ans que les Chinois produiraient juste des espadrilles et il ne fallait pas avoir peur du libre-échangisme? Aujourd’hui, on voit bien que même les nouvelles technologies viennent de Chine." La gauche du PS est à la fête, enfin validée dans ses refus et ses espérances: "Le texte est de gauche, pas au sens “on est pour le smic à 1.500 euros”, mais parce qu’il affronte le capitalisme, se réjouit Pouria Amirshahi, secrétaire national aux droits de l’homme. Il parle de la réappropriation des sources et des moyens de production de l’énergie, on évoque un pôle public financier, on parle de coopératives…"

Pour Martine Aubry, c’est aussi un retour aux sources. Elle aussi a touché au social-libéralisme, jadis alliée et amie du patronat dans sa fondation Agir contre l’exclusion, et ministre sous Pierre Bérégovoy et sous Lionel Jospin. "C’était le gouvernement des 35 heures mais aussi des privatisations", rappelle Jean-Luc Mélenchon, ministre de 2000 à 2002. Mais, aujourd’hui, le député européen du Front de gauche ne veut pas croire que ses anciens camarades ont changé: "Le PS n’a plus de visée historique, c’est le parti du moment présent. Le PS est le parti de la force compassionnelle, il n’est plus un parti de révolution citoyenne. Le PS ne peut plus brouter plus loin que la longueur de la laisse qui le ramène au traité de Lisbonne". "Mademoiselle Delors" aura besoin de plus qu’une convention pour convaincre tout le monde que le PS a vraiment changé.

Cécile Amar - le Journal du Dimanche - 11 avril 2010